
L’Agence burkinabè de la cinématographie et de l’audiovisuel (ABCA) a officiellement lancé, le 8 octobre 2025 à Ouagadougou, le Faso Films Fonds, un mécanisme inédit de financement destiné aux acteurs du cinéma et de l’audiovisuel. Doté d’un milliard de francs CFA, ce fonds marque une étape décisive dans la volonté du Burkina Faso de reconstruire une industrie cinématographique souveraine et compétitive. Une réforme majeure pour une filière en quête de souffle.
Azalaï Hôtel de Ouagadougou a servi de cadre, ce 8 octobre 2025, au lancement du Faso Films Fonds (FFF), dispositif inédit conçu pour répondre au besoin crucial de financement du secteur du cinéma et de l’audiovisuel burkinabè.

L’évènement, présidé par le ministre de la Communication, de la Culture, des Arts et du Tourisme, Pingdwendé Gilbert Ouédraogo, s’inscrit dans le processus d’opérationnalisation de l’Agence burkinabè de la cinématographie et de l’audiovisuel (ABCA), née en décembre 2024 de la fusion des structures administratives de la filière.
Cette réforme, portée par le gouvernement dans le cadre de la politique nationale de refondation de l’État, vise à redonner au Burkina Faso, longtemps considéré comme la Mecque du cinéma africain, une structure forte, moderne et autonome, capable de soutenir la création nationale et d’en assurer la visibilité internationale.
« Notre initiative présidentielle pour le cinéma »
Dans son allocution, le ministre Ouédraogo a replacé cette initiative dans une dynamique de renaissance culturelle et économique : « Faire du cinéma et de l’audiovisuel burkinabè une véritable industrie culturelle, créatrice d’emplois décents, génératrice de richesses durables et compétitives sur la scène internationale », a-t-il déclaré avec conviction.
D’un montant initial d’un milliard de francs CFA, le Faso Films Fonds ambitionne de soutenir l’ensemble de la chaîne de valeur du cinéma : développement, production, postproduction et promotion des œuvres. Ce mécanisme s’adresse à tous les acteurs burkinabè, de l’intérieur comme de la diaspora.
Pour le ministre, ce dispositif comble un vide ancien : l’absence d’un fonds national structuré dédié au cinéma. Il s’agit, selon ses mots, de « jeter les bases d’un nouvel espoir » et de corriger les faiblesses chroniques du secteur, à savoir le déficit d’accompagnement, les difficultés d’accès aux technologies, le manque de structures d’exploitation et de distribution.
Un symbole de résilience et d’espoir
Dans un discours à la fois solennel et rassembleur, Pingdwendé Gilbert Ouédraogo a rendu hommage aux forces de défense et de sécurité du pays, saluant leur rôle dans la préservation de la paix, condition indispensable au rayonnement culturel. « Vous irez tourner partout au Burkina, dans nos paysages magnifiques. Nous devons continuer à rendre hommage à nos forces combattantes, car c’est grâce à leur engagement que la création peut s’épanouir », a-t-il insisté.
Le ministre a également rappelé que ce fonds bénéficie du soutien direct du Président de la Transition, le capitaine Ibrahim Traoré, qualifiant le dispositif « d’initiative présidentielle pour le cinéma ».
L’ABCA, bras opérationnel du renouveau cinématographique
Le Directeur général de l’ABCA, Alex Moussa Sawadogo, a salué « un jour historique » pour le cinéma burkinabè. « Le Burkina, une fois de plus, prend sa responsabilité face à ses créateurs afin de leur donner la possibilité de raconter leurs propres histoires sous leur propre angle », a-t-il affirmé.

Lui-même ancien délégué général du FESPACO, Alex Moussa Sawadogo a insisté sur la transparence et la rigueur de gestion du fonds, financé par l’État burkinabè : « Nous avons mis en place des mécanismes pour garantir une utilisation claire et traçable des subventions. Les dossiers soumis et les justifications des dépenses devront être irréprochables. »
Au-delà de la gestion, l’ABCA prévoit d’investir dans du matériel de pointe pour moderniser la production locale : équipements de tournage, studios techniques, laboratoires de postproduction. L’objectif est clair, atteindre les standards internationaux et hisser le Burkina Faso au rang des nations cinématographiques compétitives.
Vers un cinéma burkinabè exportable et fier de ses racines
Pour Alex Moussa Sawadogo, le rêve est à la fois artistique et patriotique : « Mon plus grand souhait est de voir un film soutenu par le Faso Films Fonds remporter non seulement l’Étalon de Yennenga, mais aussi la Palme d’Or, un Lion à Venise ou un Ours à Berlin. »
Cette ambition illustre la volonté de replacer le cinéma burkinabè au cœur de la scène mondiale, après des années de disette financière et institutionnelle.
Le succès international de Katanga, la danse des scorpions de Dani Kouyaté, couronné de l’Étalon d’or de Yennenga, a démontré que le talent burkinabè restait intact. Mais, comme l’a souligné le ministre, « le véritable défi reste l’industrialisation du cinéma ».
Des réactions entre espoir et prudence
Dans la salle, acteurs et professionnels ont accueilli la nouvelle avec un mélange d’enthousiasme et de lucidité.

L’acteur et producteur Sidlawendé Saturnin Milla salue une avancée majeure, tout en appelant à plus de moyens : « C’est bien, 1 milliard, mais ce n’est pas suffisant. Pour qu’un film burkinabè soit visible à l’international, il faut investir beaucoup. Nous espérons que le budget augmentera dans les années à venir. »

Même son de cloche chez la comédienne et réalisatrice Augusta Palenfo, qui applaudit l’initiative tout en redoutant une dispersion des ressources : « Nous sommes nombreux, et j’ai peur que cela ne permette pas de faire un travail à la hauteur de nos ambitions. Mais j’ai confiance. Si cette première session se passe bien, le budget augmentera et plus de créateurs pourront en bénéficier. »
Une opportunité à saisir
Les projets sont recevables en ligne jusqu’au 1er novembre 2025. L’ABCA invite les créateurs à s’approprier ce mécanisme, conçu « par et pour les professionnels ».
Le Faso Films Fonds apparaît ainsi comme un tournant dans la longue histoire du cinéma burkinabè. En dotant le pays d’un instrument souverain de financement, les autorités redonnent espoir à toute une génération de créateurs souvent condamnés à la débrouille ou à la dépendance vis-à-vis de bailleurs étrangers.

Reste désormais à transformer cette promesse en résultats concrets. Comme l’a rappelé le ministre Ouédraogo, « n’attendons pas que tout soit parfait pour oser changer les choses ».
Le cinéma burkinabè, fort de son héritage et de sa résilience, a peut-être trouvé dans le Faso Films Fonds l’outil qui lui permettra de renouer avec son destin : raconter le Burkina, par le Burkina et pour le monde.
Abrandi Arthur Liliou