Culture traditionnelle et mondialisation : Quelles opportunités pour la construction d’un “Burkina Nouveau” ?

Submitted by RedacteurenChef on Fri 05/04/2024 - 09:59
Culture traditionnelle et mondialisation : Quelles opportunités pour la construction d’un “Burkina Nouveau” ?

Mots-clés : Culture, Mondialisation, “Burkina Nouveau” 

Introduction  

Culture et mondialisation, voilà deux (02) termes employés dans les sens les plus divers et dont les multiples définitions portent la marque de leur temps et de leur contexte. Il convient donc de préciser dans quel sens chacun de ces termes est employé ici. 

A en croire Jean TARDIF, “ la mondialisation ne se réduit pas à l’intégration planétaire des échanges économiques. Sa dimension culturelle, trop souvent ignorée, pourrait bien constituer un tournant crucial : dans la sphère médiatique globalisée, sont mises en présence intensive et en concurrence des visions du monde, des valeurs, des modes de vie dont les différences irréductibles deviennent immédiatement perceptibles et acquièrent ainsi une portée stratégique inédite. Le pouvoir est étroitement lié à la capacité de produire et de diffuser des symboles” (J. TARDIF, 2008, p. 5).

Le concept “culture” revêt une certaine polysémie au sein de la sphère publique. Ce vocable peut renvoyer aussi bien à la culture du blé, à celle de masse, aux beaux-arts, au divertissement, etc. Serait-ce pour éviter d’avoir à définir la culture que le qualificatif « culturel » est si fréquemment employé ? (U. BECK, 2002)

Pour l’Organisation des Nations Unies pour l’Education, la Science et la Culture (UNESCO), la notion de culture peut être définie comme “l’ensemble des traits distinctifs, spirituels et matériels, intellectuels et affectifs, qui caractérisent une société ou un groupe social » (UNESCO, 1982). À la suite de l’UNESCO, Eric DURKHEIM privilégie le terme de « civilisation » comme l’expression des représentations collectives, relevant de la conscience collective définie comme « l'ensemble des croyances et des sentiments communs à la moyenne des membres d'une société ». Mais, pour Manuel CASTELLS, cette acception ne rend pas compte de l’essentiel : “la dynamique de la culture, sa fonction socialement constitutive. Elle ne permet pas non plus de prendre en compte l’émergence d’un nouvel univers symbolique créé par les mass-médias, d’une culture virtuelle qui n’appartient à aucun groupe social localisé sans être pourtant irréelle. Or, c’est la culture qui constitue une société. La société est un fait de culture et non un simple assemblage d’individus. La culture, c’est le système symbolique qui permet à un groupe humain de se définir, de se reconnaître et d’agir, grâce à un ensemble de valeurs, de pratiques, de codes, de représentations et d’institutions qui le caractérisent, le différencient des autres et lui permettent en même temps de définir les conditions de ses rapports avec son environnement et avec les autres groupes humains” (M. CASTELLS, 2001, p. 12). 

La mondialisation donne lieu, comme la culture, à d’innombrables discours où les clichés présentés comme des évidences côtoient les positions idéologiques. Selon le Fonds Monétaire International (FMI,), le concept “mondialisation” renvoie à une acception globale “It’s a historical process, the result of human innovation and technological progress. It refers to the increasing integration of economies around the world, particularly through trade and financial flows [1]»

La mondialisation, in fine, est un processus plus général que la globalisation économique qu’elle inclut, caractérisé par la multiplication, l’accélération et l’intensification des interactions économiques, sociales, culturelles et politiques, entre les acteurs des différentes parties du monde qui y participent de façon variable.

Notre communication s’articulera autour du tryptique, “Culture traditionnelle, Mondialisation et construction d’un Burkina nouveau : quelles opportunités ?”

Comment se servir non seulement de nos valeurs culturelles endogènes, mais aussi de celles exogènes pour la construction d’un “Burkina Nouveau” ?

Cette présente communication a pour objectif d’analyser non seulement l’apport de nos valeurs culturelles endogènes, mais aussi de celles exogènes à la construction d’un “Burkina Nouveau” ? 

En termes d’hypothèse, nous postulons que le recours à nos valeurs culturelles endogènes et celles exogènes peut constituer des ingrédients pour la construction d’un “Burkina Nouveau”. 

Notre démarche méthodologique est du type descriptif et analytique. A cela s’ajoute des entretiens semi-dirigés avec des personnes ressources, en l’occurrence des témoins humais vivants. 

Fondements théoriques de la communication

Notre présente communication s’inscrit dans les “Cultural studies” développées par A. MATTELART.

En effet, l’avènement, depuis la fin des années 1980, des théories de la mondialisation culturelle s’est traduit par une transformation en profondeur des manières de penser les enjeux de l’internationalisation des mass-médias. Avec ces théories, l’économie politique critique de la communication qui a, dès la fin des années 1960, joué un rôle pionnier dans la réflexion sur ces enjeux a de fait été supplantée par des disciplines qui ne s’étaient, jusqu’à la seconde moitié des années 1980, jamais interrogées sur les défis posés par l’ubiquité des médias. Nées d’une convergence, dans le champ académique anglo-saxon, entre certains tenants des “Cultural Studies”, de “l’anthropologie” et de la “sociologie”, ces théories de la mondialisation culturelle proposent un nouveau modèle pour appréhender les conséquences de l’internationalisation des médias, un modèle qui a déconstruit les perspectives élaborées par l’économie politique et leur a substitué des visions radicalement différentes. 

En effet, les théories de la mondialisation culturelle vont d’abord marquer une rupture majeure par le nouveau regard qu’elles portent sur le système capitaliste mondial et, partant, sur le système transnational des médias. À partir de la fin des années 1980, ce système transnational, loin d’être présenté, comme il peut l’être encore au début de cette décennie dans les travaux de l’économie politique critique, comme véhiculant des logiques d’uniformisation culturelle, va en effet, être de plus en plus représenté comme engendrant de la diversité culturelle, même si c’est sous l’enseigne de la marchandisation.

La dimension culturelle de la mondialisation, selon TOMLINSON ne doit pas être confondue avec une hypothétique mondialisation de la culture qui désignerait soit la diffusion élargie de pratiques culturelles, soit l’augmentation des échanges de bien culturels ou encore une uniformisation qui aboutirait à une sorte de “culture mondiale”. “Un marché-monde” ne crée pas une “société-monde”. La mondialisation culturelle modifie de façon structurante les conditions dans lesquelles s’opèrent les interactions entre les sociétés et leurs cultures (J. TOMLINSON, 1999).

Jusqu’à présent, foi de HANNERZ, ces relations obéissaient largement aux lois de la continuité géographique, suivant un temps long et des interfaces ritualisés, incluant d’ailleurs les différentes formes de conquête. À l’époque moderne, elles procédaient largement à travers les relations entre États-nations qui avaient réussi à s’imposer comme les seuls acteurs internationaux dans tous les domaines. Elles se déroulent désormais dans un nouvel écosystème communicationnel où sont mis en présence et en concurrence des visions du monde, des valeurs, les systèmes politiques, économiques et socioculturels qui expriment des préférences collectives différentes (U. HANNERZ, 2003).

Les mass-médias, des “soft-power” et principaux vecteurs de la mondialisation culturelle

Aujourd’hui, c’est à travers eux que s’effectuent les rapports virtuels qui affectent une partie sans cesse croissante de l’humanité. La sphère médiatique globalisée ne fait pas disparaître le territoire, mais elle constitue un espace virtuel où se définissent les modèles, les styles de vie, les codes, les héros, les rêves fondés sur des valeurs consuméristes, souvent plus séducteurs et influents que l’entourage immédiat. Ainsi émerge une nouvelle matrice de socialisation, qu’on pourrait appeler « l’hyperculture globalisante ». « Culture » désigne ici non pas une entité, mais un processus qui opère sur le mode d’un système symbolique. « Hyper » signifie non pas une quelconque supériorité par rapport aux autres formes de culture, mais le fait que ce processus n’est pas attaché à un groupe social localisé : il se déroule dans un espace virtuel qui transcende les autres espaces sans les anéantir. « Globalisante » et non globale ou globalisée : cette dynamique se déploie comme une force gravitationnelle dont l’attractivité se fait sentir partout.

Son pouvoir vient de son efficacité. Elle fabrique des images et des icônes qui sont immédiatement reconnues, suscitent l’adhésion ou sont rejetées et constituent des normes de fait. Elle offre à chacun les images et les histoires d’un monde apprivoisé alors qu’il semble autrement lointain et irréel, incompréhensible et menaçant. Elle ouvre un nouvel espace de liberté à des individus de plus en plus nombreux qui peuvent y trouver des éléments d’identification pour construire leurs histoires personnelles, se distinguer tout en étant reconnus comme membres de clubs virtuels souvent plus valorisés que leur environnement social immédiat. Trois questions peuvent aider à prendre conscience de son influence. Quel est aujourd’hui l’instrument de socialisation primaire d’un enfant : la famille, ou l’écran avec ses dessins animés qui colportent déjà des valeurs, une vision du monde ? Les cultures qui ne peuvent trouver leur place sur l’écran et sur les ondes ne risquent-elles pas d’être marginalisées comme les langues qui ne réussissent pas à exprimer les réalités nouvelles les plus importantes (communication, technique, science…) ? Pour illustration, nous avons aujourd’hui le développement des groupes de médias appartenant à des grandes puissances (Par exemple, nous pouvons énumérer France 24, ProRussia, China Central TV, etc.)

La diversité culturelle burkinabè, une gageure pour la construction d’un “Burkina Nouveau”

Le Burkina Faso dispose de par son architecture traditionnelle, sa cuisine, ses festivals et cérémonies folkloriques, son artisanat et son organisation sociale, calquée sur les valeurs ancestrales, son goût pour la musique, la danse, les vêtements, d’une immense mosaïque culturelle. Le pays est divisé en plusieurs groupes ethniques et grandes aires culturelles et compte plus d’une soixantaine d’ethnies, bref de communautés qui se sont mêlées au travers des siècles dans une parfaite symbiose. A ce titre, et en paraphrasant Dr Abdoul Karim SAIDOU, Agrégé en Sciences Politiques à l’Université Thomas SANKARA, nous pouvons soutenir avec force de taille, que même si le Burkina Faso n’est pas une nation, stricto sensu, il y a une volonté affichée des différentes communautés culturelles pour le “vivre-ensemble”, donc de constituer une nation. Les communautés sont liées entre elles par des liens culturels bien enracinés. La répartition de certaines de ces communautés se réduit parfois à quelques villages alors que d’autres occupent plusieurs provinces du pays.

Chaque communauté, dans le souci d’occulter le vocable”ethnie” dans ma présente communication que je trouve, porteur des germes du colonisateur, a son histoire, ses croyances, sa langue, son architecture et ses rites qui proviennent des tréfonds de son identité culturelle. Cette diversité culturelle, qui a d’ailleurs fait l’objet de la 20e édition de cette biennale, amène de surcroit une abondance de rites, de coutumes et de langues, constituant un ferment, un ciment pour l’unité nationale, si chère aux plus hautes autorités du Burkina Faso.  L’on retrouve un peu partout dans toutes les régions administratives et dans toutes les régions culturelles du Burkina des valeurs culturelles intrinsèques qui sont entre autres, “l’amour du travail”, “le respect” sous toutes ses formes (respect des aînés, de la nation), “la probité”, “les normes de société”, “le courage”, “la fraternité”, “la solidarité”. 

Cette diversité culturelle multiplie les choix, nourrit un éventail de compétences, de valeurs humaines et de visions du monde et tire du passé la sagesse nécessaire pour éclairer l'avenir. La diversité culturelle est le ressort central du développement durable des individus, des communautés et des pays. Ceci pourrait constituer un gage pour la construction d’un « Burkina nouveau ».

Le recours aux valeurs culturelles traditionnelles, un retour aux sources salutaires

Nous assertons d’emblée, que les contes traditionnels ouest-africains et les rites initiatiques constituent non seulement des outils pédagogiques, mais aussi de formation de l’identité sociale de l’individu, tremplin pour la construction d’une citoyenneté plus accrue.

En Afrique subsaharienne traditionnelle, d’une manière générale, le souci permanent de la formation de l’individu passe bien souvent par des récits de quêtes périlleuses qui consacrent le personnage soumis et respectueux des règles de bonne conduite et punissent le personnage insoumis et rebelle. Ces récits intègrent dans leur structure narrative, des épreuves initiatiques pleines d’enseignements. A cet effet, Anne GOUDIN révèle que “Très tôt, les enfants africains apprennent le respect de la parole orale et comprennent que tous les récits qui pourront leur être transmis par le conteur du village, le sage, leur mère ou leurs grands-parents, constitueront l’une de leurs plus grandes richesses, leur donnant les clés pour connaître les règles de vie de leur communauté, comprendre la culture dans laquelle ils évoluent ainsi que le monde qui les entoure. C’est notamment à travers les contes d'initiation que les jeunes gens découvrent la vie, ses rudiments…” Ces contes répondent à un besoin cher aux sociétés traditionnelles africaines dont l’initiation est la condition pour percer les mystères de la vie (A. GOUDIN, 2005 :20). 

Définie comme un cycle progressif variant avec l’âge, le sexe et le niveau de connaissance, les rites initiatiques représentent ainsi pour l’initié « la réalisation plénière de l’individu parvenu à percer le mystère des choses de la vie » (A. H. BÂ, 1972 :39). Dans cette veine, Léopold Sédar SENGHOR constate que « l’initiation est l’école de l’Afrique noire où l’Homme, au sortir de l’enfance, s’assimile, avec les sciences de la tribu, les Techniques de la littérature et de l’art ». (SENGHOR, 1964 : 207)Éliade MIRCEA de corroborer que « l’initiation équivaut à la maturation spirituelle…l’initié, celui qui a connu les mystères, est celui qui sait » (E. MIRCEA,1965 :160). 

Le conte, pour Denise PAULME est l’un des éléments le plus populaire de la tradition orale africaine. Il est généralement reconnu comme une richesse ou une culture incontestable dans le continent africain. C’est pourquoi sa transmission se fait d’une génération à une autre. On le définit comme un récit d’aventures imaginaires à caractère didactique. On ne sait pas d’où il ne vient ni comment il a gagné les cœurs. Mais une chose est sûre, sa place est capitale dans la culture africaine.

Le conte, une valeur culturelle endogène au service de l’éducation 

« Le conte est généralement reconnu comme une partie de nous-mêmes. Autant le conte fait rire, autant il éduque. C’est pourquoi les Africains utilisent les contes pour communiquer et transmettre des connaissances », a l’habitude de clamer MBAIDOREM Alphonse, animateur radio et conteur à l’Institut français du Tchad. 

Si le conte a un caractère ludique, il a aussi un côté didactique. Car, il constitue un moyen d’éduquer, sinon de transmettre des connaissances aux plus jeunes tout en les divertissant.  C’est généralement à la tombée de la nuit qu’on le raconte. Quelle est la raison de ce choix du temps ? Pas de réponses précises à cette interrogation. Mais, selon la tradition africaine, la nuit est propice à la créativité et à l’imagination. Et l’objectif du conte, c’est aussi favoriser l’esprit critique des jeunes. « Le conte est considéré comme le reflet de la société africaine et le piédestal de la vision du monde », dit Kotchy N’GUESSAN. Dans la même veine Léopold Sédar SENGHOR écrivait à ce propos que “le conte traduit la réflexibilité du Nègre en société, sa situation concrète d’homme libre, librement réfléchie…”

Le conte, une richesse culturelle en voie de disparition 

Bien qu’il soit une richesse culturelle incontestable à pérenniser, le conte semble disparaître ce dernier temps, surtout dans les zones urbaines où tous les parents semblent trop occupés et les jeunes trop friands de la culture moderne. Les ciné-clubs, les bars dancing et les boîtes de nuit gagnent de plus en plus les jeunes et les éloignent des cultures africaines parmi lesquelles le conte prend une place considérable. « Quand nous étions petits, nos soirées sont toujours agrémentées des contes. On se réunissait autour des aînés qui nous animait avec des contes intéressants », se souvient un socio-anthropologue au sein de l’Institut des Sciences Sociales (INSS) avant de regretter que cela est une chose pratiquement rare aujourd’hui.  

En effet, la méthode d’enseignement proposée par les contes africains consiste à la fois à expliquer aux acteurs de la société, le bien-fondé d’une existence vécue dans les limites de la norme sociale, léguée par leurs ascendants, à leur rappeler constamment l’existence de ce tableau de bord indicateur de la démarche à suivre ou de la conduite à tenir pour s’assurer un parcours social des plus agréables et à démontrer, à partir des cas pratiques tirés des récits écoutés, les modalités du passage des rites initiatiques instaurateurs d’un statut social supérieur qu’accompagnent les honneurs et le respect communautaire s’y rattachant. “Malgré la participation des adultes, ce sont les jeunes qui viennent boire les paroles de sagesse qui leur expliquent, à travers différents genres littéraires, le contenu de leur héritage. La nécessité des freins et les interdits souvent trop rigides pour des jeunes poreux à tous les vents. Ils apprennent, en écoutant le récitant (…). Leur participation fait partie de leur éducation et pourrait être comparée à des travaux pratiques (…) elle indique aussi le souci ou plus exactement la nécessité pour des individus vivants dans une communauté, à se retrouver tous, le soir, afin de mieux se sentir comme des membres appartenant au même corps”. (YONDO,1976 : 110-111)

 Rites initiatiques, socialisation et construction d’une citoyenneté responsable

Les rites initiatiques entrent en droite ligne dans la socialisation de l’individu qui est elle-même, un processus d'apprentissage et d'intériorisation des normes et des valeurs. Les membres d'une société apprennent les règles de leurs milieux sociaux et culturels. Ils intègrent progressivement les normes et les valeurs dominantes de la société et les adaptent à leur personnalité. Il s’agit en effet d’« éduquer [l’adolescent-e] à la citoyenneté à travers la vie communautaire (intégration de la loi, des droits et des devoirs, du vivre ensemble, apprentissage de la responsabilité, de la négociation, de la prise de parole). Renforcer sa personnalité et développer son autonomie » (M. AUBARET, 2008). 

L’initiation, comme l’enseigne si justement le conte malinké intitulé « l’orpheline et sa sœur » est un rite de passage, le rite d’une nouvelle naissance symbolique qui permet de commencer une nouvelle manière d’être, de vivre, de faire, de comprendre les choses et de se faire apprécier par la communauté. Ce conte associe, en effet, un paramètre important d’éducation de l’individu en Afrique.

Des apports des valeurs culturelles exogènes à la construction d’un “Burkina Nouveau”

Les logiques de mondialisation mettent néanmoins sous tension ces constructions idéologiques. L’interdépendance de « l’économie globale » ne fragilise-t-elle pas « l’État-nation et les identités nationales qui lui sont associées » ? Les croissants flux d’immigration ne défient-ils pas le bon ordre de représentations identitaires nationales ethniquement homogènes ? L’avènement d’une « nouvelle forme de culture de masse globale » ne fait-il pas éclater les carcans de la culture dite nationale (HALL, 1997, p. 25-27) ?

Les processus de mondialisation offrent ainsi, aux yeux de Stuart HALL, un contexte favorable pour rompre avec les « vieilles logiques de l’identité culturelle ». Il est dorénavant nécessaire, presse-t-il, de penser les identités culturelles comme « n’étant pas définies une fois pour toutes, […] comme étant toujours en formation […], en construction », comme se redéfinissant en permanence sous la pression, en particulier, d’apports culturels extérieurs (HALL, 1997, p. 42-44 et 47).

Cette transformation dans les façons de conceptualiser les identités culturelles va avoir de profondes répercussions sur les manières de comprendre les conséquences culturelles de la mondialisation et, partant, les incidences de l’internationalisation des médias. Tant que les cultures étaient conçues comme des entités homogènes, au haut degré de cohérence, les logiques d’internationalisation ou de mondialisation ne pouvaient être perçues que comme ayant des influences profondément déstructurantes. La culture étant désormais conçue comme « en construction », les flux transnationaux vont être vus moins comme des périls pour les cultures locales que comme des sources de recomposition pour celles-ci. Il s’agira pour les Burkinabè de distinguer le bon grain de l’ivraie :  les valeurs culturelles exogènes qui peuvent nous permettre d’amorcer le développement ou d’actionner les leviers de la construction d’un “Burkina Nouveau” peuvent être répliquées au sein de notre société. Pour illustration, nous avons la discipline dans les “dragons” de l’Asie qui a servi de tremplin pour le développement dans ces pays.

De la nécessaire définition du prototype du “burkinabè nouveau”, puisé dans les tréfonds de nos valeurs culturelles endogènes 

“Probité, Solidarité, Patriotisme, Respect de la parole donnée, Don de soi, Discipline, Respect des symboles de la nation sont entre autres, valeurs culturelles traditionnelles ancrées dans nombre de communautés au Burkina Faso. Ces valeurs culturelles endogènes doivent être suffisamment valorisées pour permettre la construction d’un “burkinabè de type nouveau”... Vous conviendrez avec nous que si ces valeurs culturelles endogènes étaient respectées par nombre de burkinabè, nous ne serions pas dans cette hydre terroriste et ce, depuis 2015. 

La définition du prototype du “Burkinabè nouveau”, en guise de perspective pourrait être prise en compte dans la réflexion lors de la prochaine célébration de la journée des coutumes et des traditions, décrétée par les plus hautes autorités du Burkina Faso et prévue pour se tenir le 15 mai prochain. Tout en nous félicitant de la tenue d’une telle journée, cela permettra de donner une place de choix à nos valeurs culturelles ancestrales ; une gageure pour la construction d’un “Burkina Nouveau”

Conclusion

En guise de conclusion, nous dirons qu’il urge de relayer les schémas traditionnels de l’initiation à travers des dispositifs actualisés de dialogue entre jeunes et vieux, citoyens d’ethnies et d’États différents afin que le fondement de la nouvelle citoyenneté soit bien ancré dans les consciences et le subconscient, au lieu d’être une innovation sans contenu véritable ; toute chose qui pourrait constituer un adjuvant pour la construction d’un Burkina Nouveau. 

En somme, pour paraphraser Joseph KI-ZERBO « la culture est non seulement une ressource, mais une source, c’est-à-dire une énergie auto-générée. Nos cultures sont sources de création, de dignité, d’innovation. Elles ne doivent pas être exhibées seulement dans les festivals comme objets de consommation[2]. »

Enfin, nous assertons que nos identités culturelles sont des ressources plus importantes que nos ressources minières et autres, parce que ce sont des ressources vivantes, créatrices de toutes sortes d’autres ressources. Par ailleurs, ce sont elles qui donnent un sens aux autres ressources. Notre hypothèse de départ se trouve validée, en ce sens que le recours à nos valeurs culturelles exogènes et celles exogènes peuvent constituer un tremplin pour la construction d’un Burkina Nouveau. Pour cela, et pour ma part, il importe de s’ancrer dans nos valeurs culturelles endogènes et s’ouvrir au monde dans l’optique de prendre en compte d’autres valeurs culturelles exogènes qui pourraient nos être utiles. Cheick Anta Diop de préciser avec force de taille “formez-vous, armez-vous de sciences jusqu’aux dents et arrachez votre patrimoine culturel pour la construction de vos nations... la facilité avec laquelle nous renonçons, souvent, à notre culture ne s’explique que par notre ignorance de celle-ci et non par une attitude progressiste adoptée en connaissance de cause. 

                                                                                ZAN-KARAMBIRI Doumi Mohamed

Doctorant/Laboratoire de recherche Médias et Communications Organisationnelles/Université Joseph KI-ZERBO

 e-mail: zankarambiri@gmail.com

 

Références bibliographiques

AUBARET, M., 2008. Le cadre anthropologique des systèmes éducatifs dans les sociétés de tradition orale, Les fonctions éducatives de la littérature orale. Rencontre organisée par le Centre Méditerranéen de Littérature Orale (CMLO) 

BÂ, A. H., 1972, Aspects de la civilisation africaine, Paris, Présence Africaine.

CASTELLS, M., 1996, L’ère de l’information, tome 2, Le pouvoir de l’identité, trad. De l’anglais par P. Delamare, P. Chemla et J.-P. Bardos, Paris, Fayard

DURKHEIM, E., De la division du travail social, Paris, Alcan, 1895

HALL, S., “Old and new identities, old and new ethnicities”, in KING, A. D. (dir.), Culture, Globalization and the World-System. Contemporary Conditions for the Representation of Identity, Minneapolis, University of Minnesota Press, 1997b (1re éd., 1991), p. 41

HANNERZ, U., “Scenarios for peripheral cultures”, in KING, A. D.(dir.), Culture, Globalization and the World-System. Contemporary Conditions for the Representation of Identity, Minneapolis, University of Minnesota Press, 1997 (1 re éd., 1991)

MIRCEA, E., 1965, Le sacré et le profane, Paris, Gallimard

Organisation Internationale de la Francophonie, 2004, Diversité culturelle et mondialisation, Paris, Éd. Autrement.

PAULME, D., 1976, La mère dévorante, Essai sur la morphologie des contes africains, Paris, Éditions Gallimard

SENGHOR, L. S., 1964. Liberté 1. Négritude et humanisme. Paris, Editions du Seuil.

TOMLINSON, J.,1999, Globalization and Culture, Polity Press, Cambridge, 1999.
 

[1] « La globalisation est un processus historique, le résultat de l’innovation humaine et du progrès technique. Elle désigne l’intégration croissante des économies du monde, notamment grâce au commerce et aux flux financiers » (Issues Brief : Globalization : Threat or Opportunity, FMI, 2000).

[2] Extraits du livre : « A PROPOS DE CULTURE ». Œuvre posthume du Professeur Joseph Ki-Zerbo publiée en 2010 par la Fondation Joseph Ki-Zerbo pour le Développement Endogène de l’Afrique. Cet ouvrage qui contient le texte d’une communication au 1er Festival culturel panafricain à Alger en Août 1969 est construit sur deux axes : « Culture et identité africaine » ; « Culture et développement africain »