
Tionyélé FAYAMA
Maitre de Recherche au Centre National de la Recherche Scientifique et Technologique (CNRST) / Institut de l'Environnement et de Recherche Agricole (INERA), membre Labo « Genre et Développement » /UJKZ tionyele@yahoo.fr
Résumé
Les producteurs de la commune de Lena pratiquent une agroécologie qui combine à la fois des techniques traditionnelles et techniques modernes. Les nouvelles techniques, souvent associées aux pratiques traditionnelles constituent une richesse agricole de la localité, même si un certain nombre de contraintes se posent dans leurs implémentations.
Introduction
Les pratiques agroécologiques sont multiples et diverses dans la province du Houet. L’inventaire a permis de distinguer deux catégories de pratiques agroécologiques dans la commune de Lena. D’un côté, il y’a les pratiques endogènes (paysannes) qui regroupent selon Fayama et Héma (2024) : jachère, association des cultures, l’utilisation de la semence locale, l’utilisation des sacs rempli de sable pour réduire le ruissellement de l’eau, utilisation des ordures ménagères et du fumier dans le champ, le billonnage, technique de conservation des semences (avec la cendre, extrait végétal), agroforesterie, labour minimum du sol. La deuxième catégorie comprend les pratiques agroécologiques résultantes des travaux de recherche et qui ont été vulgarisées dans la zone. Il s’agit de : cordons pierreux, bandes enherbées, la rotation des cultures, le zaï, l’agroforesterie (cultures en couloirs, les haies vivantes), compostage (tas, fosse, bocka,) la construction de digues, les cultures suivants les courbes de niveau, l’utilisation des sacs a triple-fond, les bassins de collecte d’eau, culture fourragère, traitement biologique Fayama et Héma (2024).
Méthodologie
Cette étude s’est déroulée dans la partie Ouest de la province du Houet, commune rurale de Lèna, située à 55 km de la ville de Bobo-Dioulasso. Elle a concerné les villages de Yabasso, Bodialedaga et Konzo .
L’étude a concerné les producteurs des trois villages (individuelle, faitière, leader coutumieux, président CVD), des responsables des projets /programmes de développement et structures intervenant en termes d’agroécologie dans la zone d’étude, des agents des services d’encadrements et des personnes ressources (collectivité territoriale). La technique d’échantillonnage utilisée est non probabiliste. Au niveau des producteurs, un choix non- aléatoire par saturation a été fait. En raison de l’absence d’un répertoire exhaustif des projet, association, ONG, faitière dans la zone de Léna, la technique de boule de neige a été préconisée pour ce groupe d’acteur. Au total, 79 personnes ont été enquêtées. La méthode qualitative fondée sur des entretiens semi-structurées a été adoptée à l’aide d’un guide d’entretien élaboré en fonction du sujet et de la cible de l’étude. Pour le traitement des données, la technique de l’analyse de contenue a été choisie. Elle permet de regrouper les données par thème, de les mettre en relation les unes aux autres et de les organiser de telle sorte qu’elles puissent donner du sens (Campenhoudt et al., 2017 ; Berelson, 1952).
- Discussion des résultats
Il ressort de cette étude une forte utilisation des bandes enherbée par les producteurs du fait de la rareté des moellons et l’insuffisance de surface nécessaire à la pratique de la jachère. Ces résultats sont en adéquation avec les travaux du programme national de partenariat pour la gestion durable des terres (2011) qui ont montré que la réalisation des bandes enherbées a pour objectif de mettre en place des barrières antiérosives qui puissent constituer des compléments ou des alternatives dans les zones où les carrières de moellons ne sont pas disponibles pour la réalisation des cordons pierreux. D’une manière générale, l’étude a montré que les populations ont une certaine maitrise, quoique diversifiée, des pratiques agroécologiques. L’agroécologie serait donc dans une acception largement répandue, une agriculture intégrée avec des pratiques d’association de culture, l’intégration des arbres dans le champ, la restitution des résidus des récoltes aux animaux et l’utilisation des déjections des animaux dans le champ. Toutefois, elle ne se limite pas uniquement à une restauration des terres mais bien au-delà. Elle intègre aussi la production (végétale et animale), le recyclage la préservation de la diversité biologique. Elle permet de créer un équilibre entre le sol, l’eau, la plante, l’animal, l’homme, via un renforcement des régulations biologiques et l’accroissement de la biomasse et de la biodiversité selon Altieri (1995). Dans l’étude réalisée par Eramus et al., (2017) au Cameroun, il ressort que très peu d’acteurs considèrent l’agroécologie comme une pratique, une science et un mouvement ; ce qui limite le développement de l’agroécologie au niveau des champs et des systèmes alimentaires.
La présente étude a montré à travers les propos des enquêtés qu’il existe une panoplie de contraintes qui freinent l’adoption des pratiques agroécologiques par les producteurs. Ces contraintes soulevées par cette recherche vont dans le même sens que l’étude menée par CILSS (2012). Dans cette même dynamique, KONATE et al. (2022) ont insisté sur la problématique de la rareté et par conséquent la cherté de la ressource humaine comme facteurs entravant la transition agroécologique dans le Houet. Pour ces auteurs, la question de la main d’œuvre serait « le plus gros goulot d’étranglement » qui freine la transition agroécologique chez les producteurs maraichers dans cette localité du Burkina Faso. Dans le cadre du Cameroun, Eramus et al., (2017) et Fayama et Héma (2024) soutiennent pour leur part que les contraintes de l’adoption de l’agroécologie peuvent se résumer comme suit : la réticence de la population locale à adopter les innovations agroécologiques, le faible niveau de mise en réseau des acteurs agroécologiques existants, la limitation de la couverture géographique aux petits villages lors de la promotion de l’agroécologie, la faiblesse des systèmes de financement couplée à une incohérence dans les opportunités de financement existantes, et e faible plaidoyer en faveur de l’agroécologie à travers l’éducation (programmes d’enseignement appropriés) et les canaux de communication incluant les radios, la télévision et les médias.
Conclusion
De cette étude, on peut noter que les producteurs de la commune de Lèna ont une certaine maitrise, quoique diversifiée, des pratiques agroécologiques. Ces pratiques combinent alternativement, ou à la fois des techniques traditionnellement utilisés et les nouvelles techniques mises en place par les structures de recherches. Néanmoins des contraintes bien que surmontables subsistent dans l’application de certaines techniques agroécologiques en raison d’un certain nombre de facteurs humains et environnementaux.
Références bibliographiques
ALTIERI MIGUEL ANGEL, 1995. Agroecology: the science of sustainable agriculture. 2nd edition. Boulder CO: Westview Press, p: 448 (ouvrage original publié en 1987).
Berelson B., 1952. Content Analysis in Communication Research, The Free Press. p. 220 ;
CAMPENHOUDT LUC VAN, MARQUET JACQUES, ET QUIVY RAYMOND., 2017. Manuel de recherche en sciences sociales. 5ème édition. Dunod. P. 379.
ERASMUS NCHUAJI TANG, CHRISTOPHER SUH, VALENTINE NCHINDA, FRANCIS AJEBESONE NGOME, 2022, Cartographie des acteurs et des pratiques de l’agroécologie au Cameroun, rapport, Institut de Recherche Agricole pour le Développement, IRAD, Cameroun, 72p.
FAYAMA et HEMA, 2024, Observer, décrire et interpréter les logiques des acteurs à l’adoption des pratiques agroécologiques dans la commune de Lena au Burkina Faso., Science et Technique, Lettres, Sciences humaines et sociales. Spécial hors-série n° 1.86-104P
KONATE KLETIO MYRIEM DORIS et al., 2022. « Caractérisation socio-économique de la filière maraîchère pour une orientation de la transition agroécologique dans la province du Houet », in OUEDRAOGO/ROUAMBA Bowendsom Claudine Valérie et al., 2022. L’agroécologie sous le prisme de la recherche scientifique pluridisciplinaire. L’harmattan, Burkina Faso, pp. 101-120 ;