Document de vulgarisation : Potentiel de valorisation des co-produits agriculture-élevage pour une transition agroécologique dans les exploitations agricoles au Burkina Faso

Submitted by RedacteurenChef on Fri 19/01/2024 - 10:43
Potentiel de valorisation des co-produits agriculture-élevage pour une transition agroécologique dans les exploitations agricoles au Burkina Faso

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1. Introduction

Dans les villages de l'ouest du Burkina Faso, la forte pression foncière entraîne une concurrence intense pour les terres arables et les pâturages (Herrmann et al., 2020). La jachère est remplacée par la culture continue (Gaiser et al., 2011). Les zones disponibles pour le pâturage ne peuvent plus supporter l'ensemble du troupeau tout au long de l'année, et certains agriculteurs préfèrent déplacer une partie de leur troupeau plutôt que de modifier leurs habitudes d'élevage (Dongmo et al., 2012 a). L'exploitation intensive des ressources naturelles entraîne des dommages sur la biodiversité et la santé des écosystèmes (Midgley et Bond, 2015). En outre, la concurrence pour ces ressources dégénère souvent en conflits violents entre les utilisateurs des terres (Turner et al., 2011). En conséquence, les agropasteurs luttent pour maintenir la fertilité des terres agricoles et nourrir leur bétail (Thorton & Herrero, 2015). Face à la baisse de la fertilité des sols et à la diminution de la qualité et de la quantité des ressources fourragères, les agropasteurs achètent des engrais minéraux et des aliments pour le bétail (Kelly et al. 2003). Mais ces intrants agro-industriels deviennent chers pour les agropasteurs dont le pouvoir d'achat est très limité (Giller et al., 2021). De plus, ils ne constituent pas une solution durable car les ruminants ont besoin de fourrage (Inra, 2018) et les sols de matière organique (Bayu et al., 2005). Dans ce contexte, l'intégration agriculture-élevage a longtemps été identifiée comme un modèle approprié d'intensification durable pour les exploitations pratiquant les deux activités (Landais & Lhoste, 1990 ; Herrero et al., 2010). Dans la perspective de transition agro-écologique, un tel modèle optimisant les interactions entre cultures et élevage à l'échelle de l'exploitation est à promouvoir par le recyclage et la réduction de l'utilisation des intrants (Debray et al., 2019).

Cette fiche technique vise à montrer le niveau actuel de recyclage des CPV et CPA dans des exploitations agro-pastorales sur un cycle agricole complet (12 mois).

2. Méthodologie

2.1. Zone d’étude :

L'étude a été réalisée dans deux communes rurales de l'Ouest du Burkina Faso, Béréba et Léna, où intervient le projet FAIR Sahel. Ces deux communes ont été sélectionnées pour cette étude en raison de la présence de systèmes agropastoraux diversifiés en termes de cultures et d'élevage, et de leur recours à des pratiques d'interaction culture-élevage d'intensité variable (Vall et al., 2017 ; Berre et al., 2022).

La commune de Béréba (province du Tuy) est située à 115 km de Bobo Dioulasso et s'étend sur une superficie de 569 km². Il compte 31 000 habitants répartis dans 29 villages dont Béréba, Lofikaoun et Bankoni où s'est déroulée l'étude. La commune de Léna (province du Houet) est située à 50 km de Bobo Dioulasso et couvre une superficie de 561 km2. Il compte une population de 25 000 habitants répartis dans 14 villages dont Bodialédaga, Yabasso et Konzo où s'est déroulée l'étude. (Figure 1).

figure 1

Figure 1: Zone d’étude

2.2 Échantillonnage des exploitations 

L’étude a concerné 60 exploitations agricoles choisies au hasard parmi 188 exploitations dans 6 villages de la zone d'étude.

Nous étudiées par une enquête à l’aide d’un questionnaire les pratiques de gestion des coproduits végétaux et animaux. Ce questionnaire comprenait les éléments suivants : 1) identité de l'agriculteur ; 2) caractéristiques des terres agricoles ; 3) équipement et bâtiments agricoles ; 4) pratiques de gestion des cultures ; 5) pratiques de gestion du bétail ; 6) pratiques de recyclage des CPV ; 7) pratiques de recyclage des CPA).

2.3. Quantification des Co-produits

Nous avons quantifié de la production in-situ dans les exploitations agricoles et des acquisitions des CPV et CPA par les exploitants pendant une année dans les communes rurales de Béréba et de Léna. Ensuite, une identification des différents types de recyclage de ces CPV et CPA a été réalisée.  Enfin, une évaluation de la proportion de CPV et CPA perdus et/ou peu ou pas valorisés par l'exploitation a été réalisée. La période de référence choisie pour étudier les pratiques de recyclage des CPV et des CPA allait de juin 2020 à mai 2021, soit une année complète.

3. Résultats

Le tableau 1 donne un aperçu des résultats de la CPV et de l'CPA disponibles dans les 60 exploitations étudiées. La CPV disponible par exploitation s'élève à environ 21 tonnes de MS, dont 12 % sont pâturés, 11 % stockés sous forme de fourrage et 77 % sont peu ou pas valorisés par l'exploitation. Une proportion importante des CPV peu ou pas valorisés est broutée par des troupeaux extérieurs ou brûlée, et une proportion marginale est valorisée sous forme de paillis. Les CPA disponibles par exploitation représentent environ 24 tonnes de MS, dont 40 % sont récupérés sous forme de matière organique, 25 % sont perdus à cause de la mobilité et 35 % sont dispersés localement. Les CPA sont dispersés localement lorsque les troupeaux pâturent des terres villageoises qui n'appartiennent pas à l'exploitation. En ajoutant cela aux CPA perdus à cause de la mobilité, on obtient un total de 60 % d'CPA non recyclés par l'exploitation.

Les CPV regroupés en trois catégories : pailles de céréales, fanes et tiges de légumineuses (coton et sésame). Le CPV de paille de céréales disponible s'élève à environ 14 tonnes de MS, dont 15 % sont pâturés et 14 % stockés comme fourrage. Une part considérable de la CPV de paille disponible (71%) est peu ou pas valorisée par l'exploitation (nos observations suggèrent que la majeure partie est pâturée par des troupeaux tiers, qu'une petite partie est brûlée, et qu'une petite partie est laissée sur le sol comme paillis).

Le CPV de légumineuses disponibles s'élève à environ 1,6 tonne de MS, dont 12 % sont pâturés et 26 % stockés sous forme de fourrage. Plus de la moitié de la CPV des fanes de légumineuses disponibles (62%) est peu ou pas valorisée par l'exploitation car une grande partie des fanes récoltées à la fin de la saison des pluies pourrissent sur place.

Le CPV disponible des tiges (principalement de coton) s'élève à environ 6 tonnes de MS, dont 5 % sont pâturés (uniquement des feuilles de coton) et moins de 1 % sont stockés comme litière. La quasi-totalité des tiges de CPV disponibles (94%) est brûlée et n'est pas recyclée par les exploitations.

Les CPA ont été regroupés en 3 catégories, en fonction du mode de fonctionnement de chaque unité de production animale (Tableau 1) : CPA bovins de trait et d'engraissement (animaux principalement gardés à l'intérieur) ; CPA bovins allaitants (troupeaux pâturés et souvent déplacés), et CPA petits ruminants (ovins et caprins). La quantité d'CPA disponible pour les bovins de trait et d'engraissement s'élève à environ 5 tonnes de MS, dont 48 % sont récupérés sous forme de fumier organique et 10 % sont perdus en raison de la mobilité. Une part importante de l'CPA disponible pour les bovins de trait et d'engraissement (42 %) est dispersée localement au cours des pâturages quotidiens. Les CPA disponible pour les bovins allaitants s'élèvent à environ 14 tonnes de MS, dont 35 % sont valorisés sous forme de fumier organique, 34 % sont perdus en raison de la mobilité et 31 % sont dispersés localement lors des pâturages quotidiens en dehors de l'exploitation, autour du village. Ces animaux, qui sont souvent déplacés, présentent des taux très élevés de perte d'CPA par mobilité.

La quantité d'CPA disponible pour les petits ruminants s'élève à environ 5 tonnes de MS, dont 44 % sont récupérés sous forme de fumier organique et 15 % sont perdus en raison de la mobilité. Une part importante des CPA disponibles pour les petits ruminants (41 %) est dispersée localement au cours des pâturages quotidiens.

Les fortes variations marquées par des écarts-types élevés traduisent la diversité des exploitations agricoles de la zone d’étude, mais aussi de celles de leurs pratiques de gestion des coproduits végétaux et animaux. Globalement, les résultats montrent qu’il existe des marges de progrès importantes à valoriser pour la transition agroécologique.

Conclusion

Dans les exploitations agropastorales de l'ouest du Burkina Faso, 77% des CPV disponibles et 60% des CPA disponibles ne sont pas recyclés pour les besoins propres des exploitations. Ceux recyclés ne couvrent que 16% de leurs besoins en fourrage des exploitations et 16% de leurs besoins en fumure organique. La valeur fourragère des CPV, la mobilité du bétail, la force de travail disponible, le niveau des équipements de transport, de gestion des CPV/CPA, sont des facteurs qui affectent fortement le niveau de recyclage des coproduits au niveau de l'exploitation. Afin de conseiller les agriculteurs dans l'amélioration du recyclage des CPV et CPA, nous testons et développons un outil d'évaluation et de conseil sur la gestion de tous ces coproduits au niveau de l'exploitation. Toutefois, l'amélioration du recyclage des CPV et CPA n'est pas seulement une question qui se pose au niveau de l'exploitation, mais aussi à l’échelle du territoire.

Tableau I: Pratiques de gestion des Co-Produits Végétaux (CPV) et des Co-Produits Animaux (CPA) sur une année (en kg MS et % de Disponibles) à différents niveaux de l'exploitation

tableau 1

OUEDRAOGO Souleymane1*, ZOUNGRANA Sombénéwendé Rasmata1, Ollo SIB2, Valérie M. C. BOUGOUMA-YAMEOGO3, Tionyélé FAYAMA1, Kalifa COULIBALY4

1Centre National de la Recherche Scientifique et Technologique / Institut de l’Environnement et de Recherches Agricoles / Laboratoire Ressources Naturelles et Innovations Agricoles (LaReNIA), 03 BP 7047, Ouagadougou 03, Burkina Faso

2Centre International de Recherche Agronomique pour le Développement / UMR SELMET, Montpellier, France

3Université Nazi BONI, Institut de développement rural/ Laboratoire des Systèmes naturels, Agrosystèmes et de l’Ingénierie de l’Environnement, Bobo-Dioulasso, Burkina Faso

4Université Nazi BONI, Institut de développement rural/ Laboratoire d’Etude et de Recherche sur la Fertilité du Sol, Bobo-Dioulasso, Burkina Faso

*Auteur correspondant : OUEDRAOGO Souleymane ; email : osilamana@yahoo.fr

Référence bibliographiques : 

Sombénéwendé Rasmata Zoungrana, Souleymane Ouedraogo, Ollo Sib, Valérie M. C. Bougouma-Yameogo, Tionyélé Fayama, Kalifa Coulibaly, David Berre, Mohamed Habibou Assouma, Éric Vall, 2023. Recycling crop and livestock co-products on agro-pastoral farms for the agroecological transition: more than 60% potentially recoverable in western Burkina Faso. Biotechnol. Agron. Soc. Environ., 27(4) : 270-283.