Sorgho Zinsonné Félicité Marie Lucile, Bambara Congo Aoua Carole et Kaboré Amado
LES FAITS SAILLANTS
- Les interventions en classe pour lutter contre l’incivisme par les pratiques civiques et citoyennes, ne mettent pas suffisamment l’accent sur l’estime de soi;
- Les interventions hors de la classe pour lutter contre l’incivisme par les pratiques civiques et citoyennes ne mettent pas en application les corvées quotidiennes qui aident à lutter contre l’incivisme au sein des établissements ;
- Les interventions en termes de ressources disponibles pour lutter contre l’incivisme par les pratiques civiques et citoyennes ne donnent pas de l’importance à l’affichage des effigies des héros nationaux dans les établissements pour lutter contre l’incivisme.
INTRODUCTION
Les interventions coordonnées sous formes de pratiques civiques et citoyennes pour lutter contre l’incivisme en milieu scolaire sont efficaces et plusieurs auteurs les recommandent pour plusieurs raisons. D’abord, elles permettent de poser des actes concrets (INPES, 2018 ; Alberta Education, 2005) qui favorisent des interactions et des relations fructueuses entre les individus. Ensuite ces interventions prônent des comportements et des attitudes adéquats, ce qui devient à la longue une routine et un canal par lequel les intervenants arrivent à faciliter l’apprentissage des bonnes valeurs. Malheureusement, ce qui ressort plus fréquemment dans la lutte contre l’incivisme, ce sont des actions isolées et ponctuelles ayant pour but de sensibiliser à travers les fora, les caravanes citoyennes (Gouvernement du Burkina Faso, 2016), les journées de sensibilisation dans les établissements. Les interventions constituent des pratiques visant à promouvoir les valeurs essentielles du vivre ensemble et de la cohésion sociale. Dans l’étude financée par le Fonds National de la Recherche et de l'Innovation pour le Développement (FONRID) et conduite par l’Institut des sciences des sociétés du Centre National de Recherche Scientifique et Technologique (INSS/CNRST), sur « les bonnes pratiques civiques et citoyennes dans les enseignements post primaire et secondaire », les interventions pratiques civiques et citoyennes coordonnées représentent la mise en œuvre de pratiques civiques et citoyennes dans un projet où des acteurs s’engagent dans la discipline à promouvoir entre eux les valeurs essentielles du vivre ensemble et de la cohésion sociale.
Un article a permis d’analyser ces interventions dans des établissements post primaire et secondaire (Sorgho Zinsonné, Bambara Congo and Kaboré, 2024) pour voir comment les enseignants luttent contre l’incivisme auprès des élèves. Est-ce qu’ils font appel aux pratiques civiques et citoyennes dans cette lutte ? Si oui, quelles sont les interventions les plus et les moins mises en œuvre et que pensent-ils de ces interventions mises en œuvre?
Le présent texte donne la substance de cette analyse en vue de mettre à la disposition du plus grand nombre de lecteurs, les résultats saillants. Il comporte l’approche adoptée par l’étude, les résultats saillants et les recommandations.
1. APPROCHE METHODOLOGIQUE
L’approche adoptée dans l’étude des interventions au sein des établissements pour vaincre l’incivisme est celle qui a permis de décrire les données issues de 306 questionnaires remplis par des enseignants dans le cadre de l’étude « sur les bonnes pratiques civiques et citoyennes dans les enseignements post-primaire et secondaire au Burkina Faso : contenus et stratégies de formation des acteurs et le corpus textuel de 99 entretiens issu de plusieurs groupes-cibles dont les enseignants. L’analyse a porté sur 9 types d’intervention dans le présent document. Elle consiste à voir si oui ou non les enseignants utilisent des pratiques pour lutter contre l’incivisme en classe, hors de la classe (ex : un comité chargé de l’hygiène au sein de l’établissement) et en termes de ressources disponibles (ex : panneaux sensibilisateurs) dans la cour de l’établissement. Les résultats commentent uniquement la côte la plus élevée et celle la moins élevée par représentation graphique.
Les enseignants viennent de 22 établissements de trois régions; le Centre, le Centre-ouest et les Hauts bassins. ils se composent de 173 hommes (soit 56,5%) et de 133 femmes (soit 43,5%); 122 enseignants, (soit 40% des répondants) du post-primaire et secondaire contre 184 enseignants (soit 60%) du post-primaire et du secondaire. 72 enseignants (soit 24%) sont des vacataires contre 234 enseignants (soit 73%) en situation stable. 97% des enseignants ont le niveau baccalauréat et plus, contre environ 3% de répondants avec le niveau Brevet d’études du premier cycle. La plupart des répondants ont de l’expérience dans l’enseignement (73% ont plus de 11 ans d’expérience) et plus du tiers des répondants travaillent dans des établissements post-primaire et secondaire.
2. RESULTAT NO1 : LES INTERVENTIONS EN CLASSE IGNORENT L’ESTIME DE SOI COMME VALEUR A INCULQUER CHEZ LES ELEVES
Selon les résultats de l’étude sur les bonnes pratiques civiques et citoyennes, les enseignants reconnaissent qu’ils mettent à profit des interventions en classe pour lutter contre l’incivisme au sein de leur établissement (Cf. graphe No1) ; cependant, ces interventions selon eux, restent sommaires (avec très peu de valeurs enseignées), ponctuelles et sans obligation tel que l’extrait suivant l’indique :
« En la matière, chaque enseignant fait ce qu’il peut dans l’espoir de maitriser les élèves pendant son cours ». Extrait venant d’un enseignant.
Par contre, ils estiment que leurs interventions en classe insistent davantage sur quelques aspects en lien avec les droits et les devoirs citoyens (138 oui contre une moyenne de 106 oui pour les huit autres types d’intervention) tout en occultant l’estime de soi (91 non contre une moyenne de 38 non pour les huit autres types d’intervention). Une bonne estime de soi représente la vision positive de sa valeur personnelle, laquelle vision influence positivement l'attitude, la capacité à agir et les relations interpersonnelles.
Graphe No1 : Les interventions en classe selon tous les enseignants (hommes + femmes)
Source : données du questionnaire
3. RESULTAT NO2 : LES INTERVENTIONS HORS DE LA CLASSE IGNORENT LES CORVEES QUOTIDIENNES
Dans la recherche mise en œuvre, les enseignants estiment qu’ils mettent à profit des interventions pratiques hors de la classe pour lutter contre l’incivisme au sein de leur établissement (Cf. graphe No2) ; malheureusement ces interventions restent, sommaires (avec très peu de valeurs enseignées), ponctuelles et sans obligation tel que l’extrait suivant l’indique :
« Chaque enseignant a un programme à finir et sur lequel il est évalué. Donc on s’occupe peu de ça ». Extrait venant d’un enseignant.
Elles (interventions hors de la classe) mettent l’accent sur les sanctions liées aux manquements des composantes du règlement intérieur (136 oui contre une moyenne de 77 oui pour les 9 autres types d’intervention) et ignorent les cornées quotidiennes que les élèves pourraient pratiquer, ce qui leur apprend des valeurs qu’il faut respecter tels que l’hygiène et la rigueur de vie dans son environnement de vie, (127 non contre une moyenne de 64 non pour les 9 autres types d’intervention).
Graphe No2 : Les interventions hors classe selon tous les enseignants (hommes + femmes)
Source : données du questionnaire
4. RESULTAT NO3 : LES RESSOURCES DISPONIBLES AU SEIN DE L’ETABLISSEMENT UTILISENT PEU DES EFFIGIES DES HEROS ET ICONES
Dans les résultats de la recherche mise en œuvre, les enseignants estiment qu’il existe des interventions en termes de ressources disponibles pour lutter contre l’incivisme au sein de leur établissement (Cf. graphe No3) seulement, ces interventions ne sont pas systématiques (ressources rares), tel que l’extrait suivant l’indique :
« En la matière, il existe vraiment très peu de ressources disponibles. Par contre nos établissements sont remplis de vendeurs de nourritures dont certaines peuvent rendre nos enfants malades. D’ailleurs à propos il faudrait que nous veillions sur l’hygiène des aliments vendus en sensibilisant les élèves à de panneaux imagés! ». Extrait venant d’un enseignant.
Dans la plupart des établissements, les ressources disponibles sont les aires et jeux associatifs (125 oui contre une moyenne de 106 oui pour les 7 autres types d’intervention). Ils utilisent peu des effigies des héros et icones (133 non contre une moyenne de 65 non pour les 7 autres types d’intervention) qui permettent la transmission de certaines valeurs défendues au Burkina Faso.
Graphe No3 : Les interventions en termes de ressources disponibles selon tous les enseignants (hommes + femmes)
Source : données du questionnaire
CONCLUSION
En conclusion, les enseignants reconnaissent unanimement que, des efforts bien que limités sont déployés à leur niveau pour aider les élèves à plus de discipline et de civisme compte tenu de l’absence de l’éducation civique dans le programme. Cependant ces efforts restent focalisés sur quelques interventions sommaires liées aux droits et devoirs citoyens en classe, aux sanctions liées aux manquements des composantes du règlement intérieur hors de la classe et en termes de ressources disponibles, à la mise en place d’aires et de jeux associatifs. Ils reconnaissent que l’efficacité des interventions est plus importante dans le privé religieux que dans le public et le privé laïc et qu’elles doivent avoir lieu en même temps dans les trois niveaux (en classe, hors de la classe et en termes de ressources disponibles).
RECOMMANDATIONS
- Aux chefs d’établissement
Adopter les interventions en classe, hors de la classe et en termes de ressources disponibles pour lutter contre l’incivisme au sein des établissements. Exemple de mise en œuvre régulière de pratiques civiques et citoyennes dans le but d’inculquer des valeurs, d’organisations pour mener des activités collectives et d’affiches, de panneaux, d’effigies pour promouvoir des valeurs dans l’établissement.
- Aux enseignants
Mettre en œuvre les interventions adoptées et adaptées au sein de l’établissement. Ces interventions sont mises en œuvre concomitamment en classe, hors de la classe et en termes de ressources disponibles dans la cour de l’établissement. Privilégier l’estime de soi dans les interventions en classe et aider les élèves à intérioriser la solidarité entre eux.
REMERCIEMENTS
A tous les élèves, enseignants, responsables et personnels des établissements, aux parents d’élève, aux membres de la société civile, aux leaders coutumiers religieux, nous adressons tous nos remerciements sincères.
REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES
ALBERTA EDUCATION, 2005, Au cœur de la question: l’éducation civique et la formation aux valeurs – Guide d’enseignement M-12. ISBN 0-7785-4280-7ISBN 0-7785-4280-7
GOUVERNEMENT DU BURKINA FASO, 2016, DECRET N° 2016-006/PRES/PM/SGG-CM 06 Février 2016 portant attributions des membres du Gouvernement. JO N°07 du 18 Février 2016. https://www.ilo.org/dyn/natlex/docs/ELECTRONIC/101515/122335/F1465580504/BFA-101515.pdf
INSTITUT NATIONAL DE PREVENTION ET D’EDUCATION POUR LA SANTE (INPES), 2018, Référentiel de bonnes pratiques: Comportements à risque et santé : agir en milieu scolaire. Sous la direction de Martine Bantuelle René Demeulemeester. https://www.educasante.org/wp-content/uploads/2018/07/ComportRisque.pdf.
SORGHO ZINSONNE Félicité Marie Lucile, BAMBARA CONGO Aoua Carole and KABORE Amado, 2024. « Interventions en matière de pratiques civiques et Citoyennes pour lutter Contre L’incivisme en Milieu Scolaire et Perceptions des Enseignants », Asian Journal of Science and Technology, Vol. 15, Issue, 06, June, 2024, pp. 13045-13053.
https://www.journalajst.com/sites/default/files/issues-pdf/9642_1.pdf.
Ce document est tiré de l’article scientifique écrit par :
SORGHO ZINSONNE Félicité Marie Lucile, BAMBARA CONGO Aoua Carole and KABORE Amado, 2024, « Interventions en matière de pratiques civiques et Citoyennes pour lutter contre l’incivisme en milieu scolaire et perceptions des enseignants », publié dans Asian Journal of Science and Technology, Vol. 15, Issue, 06, June, 2024, pp. 13045-13053.
https://www.journalajst.com/sites/default/files/issues-pdf/9642_1.pdf