« Ce n’est pas un sort lancé par des sorciers »

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Asthme
Dr Edem Kunakey, médecin pneumologue

Dr Edem Kunakey, médecin pneumologue

L’asthme, selon Dr Edem Kunakey, médecin pneumologue, a une prévalence de 5% (sur la population générale) et de 7% en milieu scolaire au Burkina Faso. Mais, contrairement à certaines idées reçues, l’asthme n’est pas un sort lancé par des sorciers. Elle n’est pas non plus une maladie héréditaire. Pour mieux comprendre l’asthme (causes, symptômes, traitements, préventions, complications), nous avons rencontré, Dr Edem Kunakey, le 22 septembre 2021, au Centre de sevrage tabagique du Centre hospitalier universitaire Yalgado Ouédraogo. Entretien !

Qu’est-ce que l’asthme ?

L’asthme est une maladie inflammatoire chronique des voies respiratoires, caractérisée par des signes respiratoires paroxystiques tels qu’une toux, une oppression thoracique, une dyspnée sifflante. Ces symptômes sont plus présents la nuit ou au petit matin. La particularité avec l’asthme est que ces symptômes sont spontanément réversible ou s’atténue après la prise d’un bronchodilatateur.

Qu’est-ce qu’un bronchodilatateur ?

C’est un médicament qui permet de dilater les bronches. Dans la physiopathologie de l’asthme, il y a une bronchoconstriction : les bronches entrent en hyper réactivité, se contractent. Pour donc libérer ces bronches, il faut administrer un bronchodilatateur.

Quelles les causes ou les facteurs déclenchant de l’asthme ?

La physiopathologie de l’asthme est assez complexe. Mais ce qu’il faut déjà dire, c’est que l’asthme, contrairement à ce que les gens pensent, n’est pas une maladie héréditaire. C’est plutôt la prédisposition à faire une allergie qui se transmet de génération en génération. Quel est le lien ? L’allergie est un terrain favorable à la survenue de l’asthme.
L’asthme est le plus souvent allergique. Elle associe donc des facteurs déclenchant de la maladie. Nous avons les facteurs déclenchant non spécifiques et les facteurs déclenchant spécifiques de la maladie.
Les facteurs déclenchant non spécifiques sont entre autres : les infections virales des voies respiratoires, le stress, l’émotion, les facteurs climatiques (chaleur et fraicheur, l’humidité), l’effort physique, les facteurs hormonaux (pendant la période pubertaire, la ménopause, la grossesse, etc.).
Quant aux facteurs spécifiques, on peut citer les pneumallergènes (allergènes qui passent par les voies respiratoires). Ce sont entre autres ; les poils d’animaux, le pollen, la poussière de maison, la moisissure, les acariens, les cafards. A côté de ces pneumallergènes, on a les trophallergènes (allergènes alimentaires) : le lait, l’arachide, le poisson, le chocolat.
Parmi ces facteurs déclenchant spécifiques, il y a aussi certains médicaments (aspirine et anti inflammatoire non stéroïdien), les allergènes professionnels (farine pour le boulangers, la poussière de bois pour les menuisiers, etc.). Ce sont là quelques facteurs qui peuvent déclencher une crise d’asthme si la personne a une prédisposition à faire une allergie à ces facteurs.

Qu’est-ce que la crise d’asthme ?

La crise d’asthme se manifeste habituellement par une difficulté respiratoire paroxystique qui va s’associer à une toux, à une douleur à la poitrine, à une respiration bruyante. La crise d’asthme peut être, malheureusement, mortelle si elle n’est pas rapidement prise en charge à l’aide d’un bronchodilatateur. Il y a des personnes qui font ce qu’on appelle un asthme sévère. Si ces personnes ne sont pas prises en charge assez tôt, la crise peut entraîner la mort.

Quelle est la prévalence de la maladie ?

Au Burkina Faso, la prévalence, par rapport à la population générale, est de 5%. Une étude en milieu scolaire a démontré qu’on a une prévalence de 7%. Au Burkina Faso, nous n’avons des chiffres sur les décès. Mais dans certains pays, les études ont montré que l’asthme serait à l’origine de 2 000 décès par an.

Une respiration bruyante est-elle forcément liée à l’asthme ?

C’est une question très intéressante. Toute respiration sifflante n’est pas forcément de l’asthme puisque le diagnostic de la maladie est d’abord clinique avec une atopie familiale (prédisposition génétique aux allergies). On doit vérifier la prédisposition allergique et la répétition des symptômes pendant une période donnée (temps, survenue nocturne ou matinale), à un endroit précis. C’est ben réalisant des examens et en observant les signes qu’on peut diagnostiquer l’asthme.
Toute respiration sifflante n’est pas de l’asthme. Un corps étranger inhalé par un sujet peut entraîner une respiration sifflante. Cela peut être aussi dû à un cancer bronchique (qui se manifeste comme l’asthme) ou d’autres affections respiratoires.
Quelles sont les périodes de la vie propice pour développer une crise d’asthme ?
Il n’y a pas d’âge pour faire de l’asthme. La maladie peut se déclencher quand on est tout petit ou au troisième âge. L’asthme n’a pas de barrières d’âge. A tout âge, la maladie peut se développer.

Qu’est-ce qui montre qu’on a de l’asthme grave ou mal contrôlé ?

L’un des signes est l’asthme aigüe grave qui nécessite une prise en charge en milieu de soins intensifs ou en réanimation. Le sujet va faire une crise d’asthme au cours de laquelle il a des signes de gravité respiratoire (détresse respiratoire), une difficulté à respirer quand il est couché (orthopnée), une difficulté à parler, un silence auscultatoire, une cyanose (coloration grise ou bleutée de la peau, des ongles, des lèvres ou du tour des yeux), une gravité cardiaque, une chute de la tension artérielle, une sueur profuse, une gravité neurologique, une angoisse.
Quand le praticien observe ces signes, il peut diagnostiquer l’asthme aigüe grave dont la prise en charge doit se faire en milieu de soins intensifs ou en réanimation.

Peut-on en guérir ?

C’est une maladie respiratoire chronique. On ne guérit pas de l’asthme. Mais, on parle de contrôle de la maladie. Il existe des critères sur lesquels le pneumologue se base pour dire que l’asthme du patient est contrôlé.

Comment contrôler l’asthme ?

Il y a des facteurs qui peuvent favoriser le contrôle de l’asthme. Il s’agit, bien évidemment : du suivi des conseils prodigués par le pneumologue ; de la prise régulière et de l’observance du traitement ; de la prise en charge des facteurs déclenchant non spécifiques que le pneumologue doit diagnostiquer chez le sujet.

Quelles sont les complications éventuelles de l’asthme ?

Si la maladie est mal prise en charge, elle peut conduire à bronchopneumopathie chronique obstructive et déboucher sur une insuffisance respiratoire chronique. Un asthme peut se compliquer et entraîner, sur le long terme, une insuffisance cardiaque car le cœur et les poumons sont des organes liés. Si les poumons sont malades pendant longtemps, le cœur peut en pâtir. La plus grave des complications est la mort.

Comment prévenir l’asthme ?

a prévention de l’asthme passe d’abord par la sensibilisation à la maladie. Il faut ensuite identifier les facteurs déclenchant. En outre, il faut réduire ces facteurs déclenchant.
L’éviction des allergènes peut nécessiter l’intervention d’un allergologue. Celui-ci peut mener une enquête minutieuse pour diagnostiquer les facteurs déclenchant à éviter. Il travaille de concert avec le pneumologue pour trouver des astuces pour éviter les allergènes.

Avons-nous des traitements efficaces contre l’asthme ?

Nous avons des traitements efficaces contre l’asthme. La science est en constante évolution. Aujourd’hui, nous avons des thérapies ciblées qui ne sont pas encore disponibles au Burkina Faso. Mais, nous avons aussi des médicaments qui permettent de contrôler l’asthme (bronchodilatateurs et certains anti inflammatoires). On peut utiliser certains médicaments contre les allergies et l’éviction des allergènes.
Après la crise d’asthme, il faut un traitement de fond basé sur l’utilisation de médicaments inhalés (les aérosols inhalés) qui associent, soit un bronchodilatateur et un corticoïde, soit un bronchodilatateur seul. Le patient est emmené à les utiliser sur une très longue période. Tout dépendra de l’évolution des symptômes, du contrôle de la maladie, etc. Seul le pneumologue habilité peut décider de réduire les doses des médicaments ou à arrêter leur administration. Mais, la surveillance ne doit pas s’interrompre. Le sujet asthmatique, même s’il ne fait pas de crises, doit voir son médecin traitant une ou deux fois par an pour une réévaluation.

Quelles sont les périodes à risque pour un sujet asthmatique ?

Il y a la saison hivernale du fait de l’humidité que beaucoup de sujets asthmatiques ne supportent pas. Il y a aussi l’harmatan avec la suspension régulière de poussière dans l’air. Durant ces périodes, les sujets font régulièrement des crises d’asthme. Il ne faut pas oublier aussi les pollutions de l’atmosphère qui sont des facteurs déclenchant d’une crise d’asthme.

Les traitements sont-ils accessibles ?

Nous ne pouvons pas donner exactement une estimation des dépenses d’un asthmatique pour la prise en charge de sa maladie. Mais, il faut avouer que c’est un traitement qui est onéreux. Pour les traitements de fond, les médicaments coûtent chers. Rappelons que nos populations ont un faible pouvoir d’achat.
Mais si le patient suit bien son traitement et les conseils du pneumologue, on peut réduire les médicaments et alléger ses dépenses financières.

Avez-vous une adresse particulière ?

L’asthme n’est pas une maladie honteuse. Pas du tout. Ce n’est pas un sort lancé par des sorciers. C’est ce que beaucoup de gens pensent parce que nous avons encore une forte croyance aux choses mystiques. Du reste, j’invite tous les patients asthmatiques à trouver un pneumologue, un médecin traitant, à suivre les conseils de ce dernier. Ils vivront bien leurs vies malgré l’asthme.

Jean-Yves Nébié