Document de vulgarisation : Etat des peuplements de quelques espèces ligneuses utilitaires dans le 20ème site Ramsar du Burkina Faso

Soumis par RedacteurenChef le jeu 18/01/2024 - 11:08

 

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1. Introduction

Le Burkina Faso est confronté de nos jours à une forte exploitation de ses ressources forestières suite à une croissance démographique (SANOU et al., 2022) accentuée par l’aridité du climat. A cela s’ajoute le changement climatique, l’agriculture, les pâturages et les activités forestières qui constituent les principaux moteurs de la déforestation (SANOU et al., 2018). La couverture des besoins de cette croissance démographique nécessite impérativement une augmentation de la productivité agricole et les producteurs ont recours le plus souvent à l’agrandissement des superficies cultivées par de nouvelles défriches (GNOUMOU, 2007). Ces activités humaines qui dégradent l’environnement, associées à la variabilité climatique ont pour conséquences l’élimination et le vieillissement des peuplements de certaines espèces végétales. Les écosystèmes forestiers, à l’instar des galeries forestières du corridor forestier de la Boucle du Mouhoun qui abrite le 20ème site Ramsar du Burkina Faso, jouent un rôle capital dans les systèmes de production. Les populations locales riveraines de ce site ont une préférence pour certaines espèces par rapport à d’autres. Par ailleurs, l’usage de ces espèces utilitaires pour les divers services croit, tandis que leur capacité de régénération ou de renouvellement de leur peuplement devient de plus en plus faible. Ainsi, la préservation, la conservation des ressources naturelles et les besoins de plus en plus croissants de la population doivent être conciliés de façon efficace et durable. Pour préserver et conserver les ressources, il faut d’abord bien les connaître c'est-à-dire les identifier et déterminer leur état de disponibilité actuelle et les tendances évolutives, objet du présent document de vulgarisation. Il est élaboré à l’endroit des aménagistes des forêts et des projets et programmes de reforestation pour une meilleure conservation de la biodiversité.

 

2. Matériels et méthodes

2.1. Description du site d’étude choix des espèces étudiées

Le corridor forestier de la Boucle du Mouhoun est en grande partie situé dans la région de la Boucle du Mouhoun et une portion de la région du Centre-Ouest du Burkina Faso. Il s’agit d’un massif forestier de neuf (09) forêts classées qui jalonnent le long du fleuve Mouhoun (Figure 1). Il a été inscrit par le Burkina Faso, à travers le projet EBA-FEM, sur la liste des sites Ramsar le 27 Octobre 2017 sous le N°2314. A l’issue des enquêtes, quatre espèces ont été retenues comme espèces utilitaires dans la satisfaction des besoins des populations riveraines de ce massif forestier. Il s’agit de Adansonia digitata (baobab), Lannea microcarpa (raisinier sauvage) Vitellaria paradoxa (karité), et de Parkia biglobosa (néré) (Photo 1).

figure 1

Figure 1 : localisation du site d’étude

 

photo 1.1

photo 1.2

Photo 1 : Pieds adultes des espèces étudiées

2.2. Mode d’échantillonnage

L’échantillonnage a été réalisé par un sondage exhaustif des peuplements pour la plupart des espèces dans des placeaux de forme carrée de 50 m x 50 m (SANOU et al., 2018). Trente placeaux répartis sur quatre forêts (forêts classées de Kari, Oualou, Tiogo et Tissé) ont été inventoriés par espèce retenue. L’inventaire a concerné les arbres et arbustes dont le diamètre à 1,30 m de hauteur (d1,30 m) est supérieur ou égal à 5 cm. Les variables collectées ont été le diamètre à 1,30 m au-dessus du sol des individus et le nombre de tiges par individu. Le diamètre à 1,30 m du sol a été mesuré à l’aide d’un ruban tailleur.

2.3. Régénération naturelle

Pour l’étude de la régénération des espèces, deux sous-placeaux de 25 m² ont été installés dans les placeaux de 2500 m². Tous les individus dont le diamètre du tronc à 1,30 m est inférieur à 5 cm ont été considérés comme jeune. Ainsi, les juvéniles ont été comptés et rangés dans des classes de hauteur réparties en huit intervalles. Quatre classes allant de zéro à deux mètres d’amplitude 25 cm (SANOU, 2011) et une classe pour les individus supérieurs à 2 m de hauteurs ont été constituées pour la réalisation des graphiques.

3. Résultats

Composition floristique, richesse du 20ème site Ramsar du Burkina Faso

L’inventaire floristique a permis de recenser au total, 78 espèces végétales ligneuses dans l’ensemble des 120 relevés. Ces espèces se regroupent en 55 genres et 27 familles. Les familles les plus dominantes sont les Combretaceae, Fabaceae-Mimosoideae, Fabaceae-Caesalpinioideae, Fabaceae-Faboideae et Rubiaceae. Ces cinq familles regroupent 55,12% des espèces inventoriées. Une comparaison de la richesse spécifique des sites montre que la forêt classée de Kari est la plus riche en termes de famille, de genres et d’espèces avec 66 espèces soient 84,61% des espèces inventoriées, 50 genres soient 90,90% et 25 familles correspondant à 92,59% du nombre total de familles relevées (Tableau 1). La forêt la moins représentative en termes de familles, genres et espèces est la forêt classée de Tiogo avec 55 espèces appartenant à 39 genres et 19 familles. Il n’y a pas de différence quant au diamètre moyen des individus, la surface terrière et la densité des espèces dans les quatre forêts classées.

Tableau 1: Composition floristique des forêts classées étudiées

tableau 1

Etat des peuplements adultes des quatre espèces utilitaires du 20ème site Ramsar du Burkina Faso

Le tableau 2 présente les densités moyennes et les diamètres moyens des quatre espèces étudiées dans le 20ème site Ramsar du Burkina Faso. Il y’a une différence significative entre les densités moyennes et les diamètres moyens des quatre espèces. Parmi ces espèces Parkia biglobosa est la moins représentée avec une densité de 2,93±6,48 individus/ha. Vitellaria paradoxa (28,53±6,48 individus/ha) enregistre une forte densité avec un diamètre moyen de 24,42 cm. Cela indique qu’elle présente plus d’individus jeunes par rapport aux trois autres.

Tableau 2: Densité et surface terrière des espèces étudiées

tableau 2

 

La distribution des quatre espèces étudiées montre une distribution hétérogène de Adansonia digitata, Lannea microcarpa et Parkia biglobosa dans les quatre sites (forêts classées de Kari, de Oualou, Tiogo et Tissé) (Figure 2). Mais la répartition en classes de diamètre de Vitellaria paradoxa parait plus homogène avec une légère variation entre les sites. Les histogrammes de distribution de Adansonia digitata montrent une mauvaise répartition des individus de l’espèce dans les classes de diamètre avec une absence d’individus dans les classes de petits et moyens diamètres, exception faite dans la forêt classée de Oualou. Une caractéristique commune aux sujets des quatre forêts est l’absence d’individus dans la classe de diamètre de [65-70] cm. La distribution horizontale des individus de Lannea microcarpa est très irrégulière, caractérisée par une absence d’individus dans la classe de [65-70] cm au niveau des quatre forêts. Cette absence est également observée dans les classes de [45-50] cm dans la forêt classée de Kari, de [55-60] cm dans la forêt classée de Oualou, de [50-65] dans la forêt classée de Tiogo et dans les classes de [5-10] et [55-70+[ dans la forêt classée de Tissé. La répartition de Parkia biglobosa en classes de diamètre montre une prédominance des individus de diamètre moyen et une absence d’individus dans certaines classes. Dans les quatre forêts, on note l’absence d’individus dans la classe de diamètre de [60-65] cm. Aussi, dans les forêts classées de Kari et Oualou, les classes inférieures ne présentent pas d’individus. L’histogramme de répartition de Vitellaria paradoxa se caractérise par une prédominance des individus dans les classes de petits diamètres (Figure 2). Ceci traduit une population relativement jeune. De plus on note une faible représentativité dans les dernières classes, voire une absence dans certaines.

 

figure 2.1

figure 2.2

figure 2.3

figure 2.4

Figure 2: Structure en classe de diamètre des espèces utilitaires du 20ème site Ramsar du Burkina Faso

Régénération des espèces utilitaires du 20ème site Ramsar du Burkina Faso

Les densités (nombre de pieds/ha) moyennes de Adansonia digitata (8,33±0,57), Lannea microcarpa(38,33±2,95), Parkia biglobosa(48,33±17,89) sont très faibles; seule Vitellaria paradoxa possède un bon potentiel de régénération (312,66 pieds/ha). En évaluant la distribution spatiale des jeunes individus des espèces étudiées, il apparait qu’ils ont une distribution groupée. Ce mode de distribution est caractéristique des espèces qui subissent d’importantes perturbations de leurs habitats. En observant également le mode de régénération de ces espèces (propagation végétative ou reproduction sexuée), les résultats montrent que les individus pour la plupart inventoriés repoussent par drageonnage et rejet de souche, donc par propagation végétative. Ce mode de reproduction est une stratégie de survie des espèces ligneuses fréquemment perturbées.

4. Conclusion

Les résultats exposés dans ce document sont issus de la caractérisation des populations de Adansonia digitata, Lannea microcarpa, Parkia biglobosa et Vitellaria paradoxa dans le 20ème site Ramsar du Burkina Faso. Ils décrivent la diversité floristique, une meilleure connaissance des potentialités des ligneux de cet écosystème particulier du pays. La diversité floristique ligneuse du site Ramsar n°2314 est constituée de 78 espèces réparties en 55 genres et 27 familles. Les familles les plus représentées sont les Combretaceae, les Fabaceae-Mimosoideae, les Fabaceae-Caesalpinioideae, les Fabaceae-Faboideae et les Rubiaceae. L’inventaire forestier a permis de connaitre la structure horizontale des peuplements de Adansonia digitata, Lannea microcarpa, Parkia biglobosa et Vitellaria paradoxa. Elle est dans l’ensemble irrégulière avec surtout l’absence d’individus de faibles diamètres chez Adansonia digitata. Cette situation est la conséquence de la forte pression exercée par les populations et les animaux sur ces espèces à haute valeur socio-économique. Les potentiels de régénération de Adansonia digitata et Lannea microcarpa sont très faibles dus certainement à la pression anthropique, notamment le mode de prélèvement des feuilles (émondage) de Adansonia digitata mais aussi à la récurrence des feux de brousse et de la pâture. Les projets de reforestation dans ce site doivent intégrer dans leur planification, l’introduction des plantules de ces espèces en leur garantissant les conditions pour leur établissement, notamment par la protection.

SANOU Lassina1*; KOALA Jonas1, OUEDRAOGO Souleymane1, SAVADOGO Patrice2

1Institut de l’Environnement et de Recherches Agricoles (INERA), 04 BP 8645 Ouagadougou 04, Burkina Faso

2Food and Agriculture Organization of the United Nations (FAO), Sub Regional Office West Africa, Dakar, Sénégal

*Auteur correspondant: SANOU Lassina; email: lassina.sanoulassina@gmail.com

5. Références bibliographiques

SANOU L., KOALA J., OUEDRAOGO S., OUATTARA B. 2022. Perceptions, services écosystémiques et vulnérabilité des espèces ligneuses à multiples usages du 20ème site Ramsar au Burkina Faso, Afrique de l’Ouest. Afrique SCIENCE : revue internationale des sciences et technologie 20(3):25-40

SANOU L., ZIDA D., SAVADOGO P. et THIOMBIANO, A., 2018. Comparison of aboveground vegetation and soil seed bank composition at sites of different grazing intensity around a savanna-woodland watering point in West Africa. Journal of Plant Research, 131(5):773-788.