Document de vulgarisation : Propagation végétative de Bombax costatum Pellegr. & Vuill. par bouturage de racines en pépinière au Burkina Faso

Soumis par RedacteurenChef le jeu 18/01/2024 - 11:39

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  1. Introduction

Au Burkina Faso, la régénération des espèces agroforestières représente une action clé dans les Plans, Programmes et Stratégies liés à la restauration des forêts et paysages. La réalisation de ces actions de restauration implique une maitrise des techniques sylvicoles des espèces utilisées. Les espèces les plus plantées sont des espèces exotiques comprenant Mangifera indica L., (manguier), Eucalyptus camaldulensis Dehnh (eucalyptus), Azadirachta indica A. Juss. (neem) et des espèces locales dont Acacia senegal L. (gommier), Parkia biglobosa Jacq. (néré) et Adansonia digitata L. (baobab). Celles qui font l’objet d’attention dans la stratégie nationale de valorisation et de promotion des produits forestiers non ligneux, mais non largement plantées comprennent notamment Bombax costatum Pellegr. & Vuill. De la famille des Malvaceae, B. costatum est connue en français sous les noms de Kapokier à fleurs rouges, Kapokier rouge ou Faux kapokier. C’est une espèce des savanes boisées et des forêts claires sahélo-soudaniennes qui se répand également dans la zone guinéenne. Son aire de répartition s’étend du Sénégal au Cameroun jusqu’en République Centrafricaine. On la trouve disséminée et parfois en véritables peuplements dans les champs, dans les jachères et dans certaines forêts. Au Burkina Faso, les tiges feuillées sont utilisées pour décanter la bière à base de sorgho mil. Les pétioles des feuilles et les calices des fleurs servent à préparer une sauce gélatineuse et font l’objet d’une exploitation commerciale. Malgré ces multiples utilisations, la régénération in situ de l’espèce n’est pas assurée et de plus, elle est faiblement cultivée dans les pépinières à cause du manque de graines causées par l’exploitation des fleurs. A cela s’ajoute l’ignorance des possibilités de sa propagation par bouturage de tiges et de racines ; la multiplication de l’espèce par stimulation du drageonnage ayant été testé avec succès par le bouturage de tiges et de rameaux est difficile à réaliser car elles dégénèrent à la suite d’attaques fongiques. Cependant, des résultats satisfaisants ont été obtenus en utilisant des segments de racines placés verticalement dans le substrat. Dans ce cas, les boutures prélevées sur les parties intermédiaires et distales (terminales) réussissent mieux que celles prélevées sur les parties proximales. Dans cet essai, l’influence de l’âge de l’arbre sur l’enracinement des boutures n’a pas été testée. Une compréhension des principaux facteurs affectant la régénération des segments racinaires, tels que la taille de la bouture (longueur, diamètre), l'emplacement d'origine du segment dans le système racinaire et les conditions de croissance sont essentielles. La présente étude se propose d’étudier l’influence de la position de prélèvement des boutures et l’âge de l’arbre mère sur l’émission de plantules (drageons) à partir de boutures placées verticalement dans le substrat. Ces informations sur les possibilités de multiplication de B. costatum par bouturage de racines pourraient être applicables par les producteurs dans les exploitations agricoles. En effet, dans le but de contribuer à la préservation des espèces agroforestières en Afrique, exhortent les forestiers et chercheurs à régénérer les écosystèmes en alliant, à la reproduction sexuée, réalisée dans des pépinières modernes, la multiplication végétative la plus adaptée.

  1. Matériel et Méthodes

Site d’étude

Les boutures ont été collectées dans le village de Niessega (Province du Zandoma), à 120 km au N-E de Ouagadougou sur l’axe Ouagadougou – Ouahigouya. Le climat y est du type sub-sahélien. La pluviométrie annuelle, irrégulière et mal répartie, varie entre 500 et 750 mm. La saison pluvieuse s’étend entre juin et septembre. Des relevés de température effectués dans la station météorologique de Ouahigouya, située à 50 km de Niessega montrent que les valeurs annuelles des températures moyennes qui étaient de 28,6°C et 16,7°C respectivement sur la période 1956-1985, ont atteint 39,6°C à 39,7°C entre 1986-2015.

Les sols sont formés de plateaux latéritiques issus des cuirasses ferrugineuses. Le couvert végétal est constitué de parcs arborés dominés par Adansonia digitata L. (baobab), Vitellaria paradoxa C.F. Gaertn. (karité), Sclerocarya birrea (A. Rich.) Hochst. (prunier), Parkia biglobosa (Jacq.) R. Br. ex G. Don f. (néré), Ficus sycomorus L. subsp. gnaphalocarpa (Miq.) C.C. Berg (figuier) et B. costatum Pellegr. & Vuill. (kapokier à fleurs rouges). Le peuplement de B. costatum de Niessega est composé d’arbres adultes. En effet, les mesures dendrométriques des arbres effectués à l’intérieur de trois placettes ont montré que dans la première placette les arbres adultes avaient une hauteur de 3 m de hauteur et 16 cm de diamètre. Aucun arbre juvénile n’a été recensé dans la deuxième placette. Dans la troisième placette, le plus grand arbre mesurait 8,20 m de hauteur et 36 cm de diamètre et le plus petit et seul arbre mesurait 7,30 m de hauteur et 3,6 cm de diamètre. Il n’y avait aucun arbre juvénile dans la deuxième placette. Le peuplement est par conséquent vieillissant à cause de la rareté voire l’absence de régénération ; les fleurs étant systématiquement récoltées comme mentionné en introduction.

Conduite expérimentale

La structure démographique du peuplement a pour conséquence de limiter la possibilité de prélèvement des racines que sur deux jeunes arbres.  En prenant en compte les arbres adultes et dans le souci d’équilibre du choix, il a été sélectionné aussi deux arbres adultes. Les racines ont été prélevées en fin octobre 2014 correspondant au début de la saison sèche et le bouturage a été effectué le même jour de leur prélèvement dans une mini serre vitrée installée sous une combrière en nylon au Centre National de Semences Forestière à Ouagadougou. La mini serre est une enceinte à cadres métalliques avec des parois en verre de 130 à 150 cm de long sur 90 à 100 cm de large et de 30 à 50 cm de haut placée sur un support en béton à 54 cm du sol. Elle permet le maintien d'une humidité relative de 80 à 100 %. Après dégagement délicat des racines de chaque arbre à l’aide d’une pioche, les boutures ont été prélevées à deux niveaux de distances mesurées en ligne droite de la base du tronc : entre 2-5 m (boutures intermédiaires) et à 10 m (boutures terminales). Pour chaque arbre 30 boutures (15 intermédiaires et 15 terminales) ont été prélevées, soit un total de 120 boutures. Apres prélèvement, les racines mères ont été recouvertes de terre. Afin de ne pas confondre les parties sur lesquelles les racines ont été prélevées, les extrémités proximales (les plus proches du tronc) ont été taillées en biseau alors que les extrémités distales (les plus éloignées du tronc) ont été coupées perpendiculairement à l’axe, de façon à obtenir des segments de 10 cm de longueur. Le Tableau 1 présente les caractéristiques des arbres et des boutures. Pour assurer le transport des boutures du lieu de prélèvement à la pépinière expérimentale, celles-ci ont été conditionnées dans une glacière remplie de sciure de bois humidifié. Le bouturage a été effectué dans des mini serres contenant le substrat. La mini serre est une enceinte à cadres métalliques avec des parois en verre de 130 à 150 cm de long sur 90 à 100 cm de large et de 30 à 50 cm de haut placée sur un support en béton à 54 cm du sol. Cette serre permet le maintien d'une humidité relative de 80 à 100 % et une température ambiante variant entre 25 °C et 30° C. Le substrat utilisé est du sable fin de rivière. Les boutures qui n’ont pas subi de traitements hormonaux favorisant la rhizogenèse ni contre les attaques fongiques ont été enfoncées verticalement dans le substrat sur environ 7 à 8 cm de profondeur sans enterrer complètement la partie terminale. En effet, placées horizontalement et enterrées dans le substrat, il est difficile de suivre l’évolution de la formation du cal ; pour le faire, il faudra déterrer les boutures, ce qui pourrait perturber l’enracinement des boutures.

Le dispositif expérimental adopté est celui des blocs complets randomisés comportant huit (08) traitements et chaque traitement comportant 05 boutures. Chaque traitement a été répété trois (3) fois soient 15 boutures par traitement. La serre a été fermée une fois toutes les boutures mises en place. Elle est ouverte lorsqu’un arrosage est nécessaire. L’entretien des boutures a consisté en des arrosages toutes les fois que le substrat commence à se dessécher superficiellement une à deux fois dans la semaine.  

A la fin des essais, soient 60 jours après la mise en place des boutures, celles-ci ont été déterrées pour apprécier leur enracinement et consignés dans le Tableau 1.

Tableau 1: Caractéristique des semenciers et des boutures de segments de racines

tableau

 

  1. Résultats

Formation de cal et émission de plantules

La formation de cal a débuté environ deux semaines après le bouturage. A cette date, 50,83% des boutures avaient déjà formé un cal. Deux mois après le bouturage, plus de 76% des boutures présentaient un cal soient 91 boutures sur 120 pour tous les traitements. En ordre de décroissant l’on avait enregistré les résultats suivants selon le traitement appliqué : T4 (100%), T7 (100%) et T8 (100%), T3 (86,66%), T6 (80%), T1 (73,33%), T2 (66,66%), T5 (0%). Exceptionnellement, les boutures intermédiaires prélevées sur l’arbre adulte numéro 1 n’ont pas présenté un cal jusqu’au soixantième jour du suivi à la serre (Figure 1). L’émission des plantules a débuté 23 jours après le bouturage avec une seule bouture ayant débourré. Les tiges feuillées poussent soit à la base des boutures ou au sommet des boutures (Photo 1). Les observations effectuées 30 jours après la mise en place des boutures indiquent que 17 boutures ont émis des plantules, soit un taux de 14,16%. Après 60 jours d’observation, le taux était de 25,83% (Figure 2) et toutes les boutures ayant survécu ont émis des racines et leur croissance s’est poursuivie (Photo 2).

figure 1

Figure 1 : Pourcentage de formation de cals des boutures après 60 jours d’observation à la serre.

figure 2

Figure 2 : Taux d’émission de plantules des segments de racine 60 jours après bouturage

Les traitements T6, T7, et T8 présentent des taux d’émission compris entre 40% et 73% soit une moyenne pour ces types de traitement de 55,55%. Les taux sont compris entre 13 et 20% pour les traitements T2 et T 3 soit une moyenne d’émission de plantules de 16, 66% ; ce taux peut être considéré comme faible. Par contre les traitements T1, T4 et T5 nous indiquent un taux d’émission nul. Les taux de réussite des boutures diffèrent également significativement si on prend en compte l’âge de l’arbre mère. Les boutures prélevées sur les arbres adultes réussissent mieux. Par contre ces taux ne diffèrent pas significativement entre les boutures terminales et les boutures intermédiaires quel que soit l’âge de l’arbre mère. Les résultats permettent de confirmer que le taux d’émission des plantules est élevé pour les arbres adultes (43% de boutures ont émis des plantules chez ces arbres) contre 8,33% pour les arbres juvéniles. Les pourcentages de réussite ne diffèrent pas en fonction de la position du prélèvement des boutures.

photo 1

Photo 1: Emission des plantules à la base des boutures (image de gauche) ou au sommet mais pas à la partie supérieure de la bouture (image de droite).

photo 2

Photo 2: Plantule ayant survécu dans la serre (image de gauche) et extraite (image de droite)

Tableau 2: Comparaison des taux de réussite des boutures de B. costatum, 60 jours après le bouturage

tableau 2

Attaques parasitaires et fongiques

Les boutures ont subi des attaques parasitaires et fongiques. Ainsi 19,16% des boutures ont subi des attaques fongiques après 10 jours de séjours en pépinière. Ce taux d’attaque fongique est passé à 24,16 % après un mois en pépinière avant de se stabiliser à 25%. Au total, 25% des boutures ont subi des attaques pendant toute la durée de notre expérimentation. Il ya l’existence de différences significatives entre les taux d’attaques parasitaires et fongiques des boutures en fonction de l’âge et la position de la bouture par rapport à l’arbre mère. Le pourcentage de boutures parasitées varie en fonction des traitements (Figure 3). Les arbres juvéniles ont subi moins d’attaques fongiques (18,33%) que les arbres adultes (31,5%). Les boutures prélevées près du tronc (boutures intermédiaires) ont subi plus d’attaques que celles éloignées du tronc (boutures terminales). En effet, chez les arbres adultes ce taux d’attaque fongique était respectivement pour les boutures intermédiaires et les boutures terminales de 53% et 10%. Chez les arbres juvéniles ce taux était respectivement pour les boutures intermédiaires et les boutures terminales de 19,99% et 16,66%.

figure 3

Figure 3: Pourcentage des boutures de B. costatum attaquées 60 jours après le bouturage

  1. Conclusion 

B. costatum dispose des aptitudes à émettre des plantules à partir de segments racinaires ; cela explique également le fort potentiel de drageonnage naturel. Nos essais ont été réalisés en début de saison sèche, et les boutures de segments de racines n’ont pas subi de traitements hormonaux ni contre les attaques fongiques. Le bouturage de segments de racines peut être considéré bon avec un taux moyen d’émission de plantules au-delà de 25%. Ce taux, variable en fonction du traitement, montre que les boutures prélevées sur les arbres adultes ont une très bonne reprise (30% et 73%), mais subissent plus les attaques fongiques. Le taux d’émission de plantules est compris entre (6% et 20%) pour les arbres juvéniles avec moins d’attaques fongiques.  Les résultats obtenus laissent entrevoir les possibilités de conservation des espèces agroforestières surexploitées qui rencontrent des problèmes de régénérations dans la zone du plateau central du Burkina. Cependant, cette régénération clonale a pour conséquences directes, la réduction de la variabilité génétique in situ et le risque de dépression, de consanguinité pour les semis issus de graines provenant de ces peuplements monoclonaux. Ceci est l’opposé de la reproduction sexuée qui permet la transmission des gènes d’une génération à l’autre impliquant une certaine variabilité, et une évolution de l’information génétique, indispensable à long terme pour permettre aux espèces de s’adapter à la sélection naturelle du milieu. Les recommandations pouvant améliorer la technique de bouturage des segments de racines de B. costatum sont: (i) la stérilisation du matériel de prélèvement des boutures et du substrat utilisé pour le bouturage; (ii) les traitements des boutures avec du Benomyl (benlate) par exemple afin de lutter contre toutes attaques éventuelles des champignons tout en tenant compte de leur impact sur l’environnement, (iii) envisager les futures investigations d’utilisation des hormones de croissance telles que l’Acide Indolyl -1.Acétique(AIA), l’Acétique Naphtyl-1Acétique (ANA), l’Acide-Indolyl-3Butyrique (AIB) et la mise en place des boutures sur des substrats divers comme la sciure du bois, un mélange de sable,  (iv) prélever des échantillons sur les boutures avant et après le bouturage  à analyser au laboratoire permettra d’identifier et de caractériser les différentes attaques parasitaires et fongiques sur les boutures de segments de racines de Bombax costatum et parallèlement contribuer à une meilleurs connaissance des attaques parasitaires et fongiques sur les espèces agroforestières. Par ailleurs, des essais périodiques couvrant toute une année pourraient permettre de connaitre le moment le plus propice pour la récolte des boutures de segment de racines de même que la saison ou le bouturage réussi le plus. De plus, dans le cadre de nos essais, l’estimation de l’âge des semenciers s’est basée sur les caractéristiques dendrométriques ; ce qui peut paraitre plus ou moins subjectif. Enfin, le bouturage de segments de racines pourrait être réalisé chez d’autres espèces importantes comme Balanites aegyptiaca, Daniellia oliveri, Sclerocarya birrea, Boswelia dalzieli, Detarium microcarpum etc. A la lumière des résultats positifs acquis à travers ces essais, on peut proposer de tester le bouturage des racines directement dans les exploitations agricoles en début de saison pluvieuse. Cela permettra aux producteurs de disposer des plantules déjà enracinées au lieu d’acquérir les plantules dans les pépinières pour effectuer les plantations.

SANOU Lassina1*; BELEM Bassirou 2, DIAWARA Sata1,3, THIOMBIANO Daniabla Natacha Edwige1, KOALA Jonas1

1Centre National de la Recherche Scientifique et Technologique / Institut de l’Environnement et de Recherches Agricoles / Laboratoire de l’Environnement et des Ecosystèmes Forestiers, Agroforestiers et Aquatiques / Ouagadougou, Burkina Faso

2Ecole Nationale des Eaux et Forêts 01 BP 1105 Bobo Dioulasso 01

3Unité de Formation et de Recherche en Sciences de la Vie et de la Terre/Laboratoire de Biologie et Ecologie Végétales (UFR/SVT), Université Joseph Ki-Zerbo.

*Auteur correspondant : SANOU Lassina ; email : lassina.sanoulassina@gmail.com

  1. Références bibliographiques

BELEM B., SANOU L., TIETIAMBOU F.R.S., 2021. Multiplication végétative de Bombax costatum Pellegr. & Vuill. par bouturage de racines en pépinière expérimentale au Burkina Faso. Revue Ivoirienne des Sciences et Technologie, 38 :324-341.

 

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