Analyse des freins aux leadership féminin

Submitted by Webmaster Info on Mon 23/05/2022 - 14:33
Femmes de devant !
Suzanne Allden

L’Institut des Sciences des Sociétés (INSS) a organisé, le 18 mars 2022, au Centre National Cardinal Paul Zoungrana, une conférence-débat autour de l’ouvrage, Femmes de devant ! Combat du leadership féminin au Burkina Faso. Cet ouvrage a été rédigé par une équipe de huit (8) chercheurs de l’Institut des Sciences des Sociétés et du Forum for Africa Studies de l’Université d’Uppsala (Suède).

Concrètement, cet ouvrage analyse les contextes, les structures et circonstances qui conditionnent la participation des filles et des femmes dans l’espace public, dans les sphères de prise de décision et dans des rôles de leadership au sein des arènes locales au Burkina Faso.

Une équipe anthropologique a conduit des recherches de terrain dans quatorze (14) communes burkinabè pour analyser ces femmes de devant qui ne se laissent pas faire et qui luttent pour construire un leadership qui peut permettre aux femmes de percer en politique.

Selon Suzanne Allden, Cheffe de Coopération de l’Ambassade de Suède à Ouagadougou, l’étude montre qu’il est important de prendre en compte toutes les couches sociales pour un développement harmonieux de la société. « Il y a du potentiel. Il faut chercher les moyens et mécanismes pour appuyer les femmes pour qu’elle puissent entrer dans les sphères de prise de décision et y rester pour continuer la lutte. Nous devons le faire pour le bien de la société », a-t-elle indiqué.
Pour Dr Ludovic Kibora, Directeur de l’Institut des Sciences des Sociétés, les femmes ont besoin d’être accompagnées pour avoir plus d’impacts sur la société. « Il faut des appuis financiers pour la réalisation d’activités génératrices de revenus pour les femmes. Elles doivent être autonomes sur le plan financier. Dans les sphères de décision, il faut respecter la loi du quota genre », soutient-il.

Par ailleurs, Pr Sten Hagberg, membre de l’équipe des recherches a relevé un paradoxe révélé par l’étude. Il note qu’il y a une forte implication des femmes dans la vie politique et publique, surtout en temps de crise (Insurrection populaire de 2014 ; Putsch manqué de 2015), mais on constate une faible représentativité des femmes dans les sphères de prise de décision.
Aussi, il a présenté les perceptions du leadership féminin par les populations. « Les femmes leaders sont traitées de femmes-garçons, de femmes légères, etc. », dit-il.

L’équipe de recherche

Elle composé de : Sten Hagberg, Ludovic Kibora, Adjara Konkobo, Yacouba Cissao, Eulalie Zongo, Pascaline Kaboré, Sidi Barry et Bintou Koné.

Des entraves aux leadership féminin au Burkina Faso


L’équipe de recherche a noté certaines pratiques négatives qui entravent le leadership féminin au Burkina Faso. Ce sont : les discours sur les rôles traditionnels (très présents, discriminatoires, sévères, oppressants, influents) ; les violences domestiques et harcèlements sexuels ; les grossesses précoces ; la déscolarisation des filles ; le faible placement des femmes en politique ; le non-respect du quota genre ; les manipulations ; les appartenances communautaires et régionales ; etc.

Par exemple, l’une des femmes interviewées explique, par rapport au non-respect du quota genre : « Mais quand on voit le positionnement sur les listes électorales, dans certains milieux, elles sont brimées. Les hommes se disputent d’abord, et puis ce qu’on va laisser à la femme c’est peut-être la dernière liste ou c’est à la dernière minute qu’on va insérer leurs noms, juste pour sauver la face. Ce n’est pas pour qu’elles puissent gagner ».
Une autre, responsable d’association à Fada N’Gourma, se confie sur les pratiques occultes qui l’empêchent de s’engager en politique : « Je pense que les femmes de Fada qui étaient politiciennes là, elles sont toutes décédées. Voilà une qui est décédée, elle n’était même pas malade, elle a eu un accident avec sa voiture. Donc en politique, si tu n’es pas blindé, c’est compliqué. Selon moi, c’est ça. Si tu t’amuses ici là, ils vont te manger avec wack seulement ».     
Comment casser le plafond de verre burkinabè ?

Les femmes leaders ont des difficultés à « entrer », à « percer » et à « rester » en politique au Burkina Faso, selon l’équipe de recherche. Il se présente à elles comme un plafond de verre qui les empêche de « percer » en politique. Pour y remédier, l’équipe propose quelques solutions : l’autonomisation économique ; la résistance aux masculinités toxiques ; le renforcement de leur confiance en soi et de leurs relations familiales ; l’augmentation de leur représentativité dans les sphères de décision (État, services déconcentrées et gouvernance communale, etc.).