Valorisation du phosphate naturel du Burkina Faso : Les formules sont prêtes !

Submitted by Webmaster Info on Mon 20/03/2023 - 11:40
SATREPS

La dernière session du Comité technique conjoint du projet « mise en place d’un modèle de promotion des cultures par l’utilisation du phosphate naturel du Burkina Faso - SATREPS » s’est déroulée, le 10 mars 2023, à l’Hôtel Silmandé. Les chercheurs ont présenté les résultats acquis durant l’exécution du projet.

Le Burkina Faso dispose d’importantes ressources en phosphate naturel, dont le potentiel d’exploitation est estimé à cent millions (100 000 000) de tonnes. La valorisation de ce potentiel en phosphate naturel peut contribuer à développer la production d’engrais phosphatés et d’engrais composés efficaces d’origine nationale et moins coûteux. Elle permettra alors de booster la production agricole. Pour y parvenir, le Burkina Faso doit mettre au point une technologie de fabrication d’engrais phosphatés.

Ainsi, dans le cadre du Partenariat de la recherche scientifique et technologique pour le développement durable, le gouvernement du Burkina Faso a formulé auprès du gouvernement du Japon une requête pour la mise en œuvre du « Projet d’amélioration de la productivité agricole et de réduction de la pauvreté par l’utilisation des phosphates naturels de Kodjari ».

Le projet « mise en place d’un modèle de promotion des cultures par l’utilisation du phosphate naturel du Burkina Faso - SATREPS » répond donc à cette volonté du Burkina Faso de valoriser son important gisement de phosphate naturel pour le développement de son agriculture.

Selon Dr Hamidou Traoré, Directeur de l’Institut de l’environnement et de recherches agricoles (INERA), ce projet est salutaire. « 80% des sols sont limités en phosphore. Cela limite la productivité agricole. La tendance du prix des engrais à base de phosphore à l’international est la hausse. Pourtant nous disposons d’importantes ressources en phosphate naturel. L’exploitation au niveau national de cette importante ressource va nous permettre de réduire le coût des engrais et d’améliorer notre production agricole. Ce projet est donc très pertinent. Les résultats vont permettre la valorisation de cet important gisement estimé à cent millions de tonnes », a-t-il souligné.

Pour Masaaki Kato, Ambassadeur du Japon au Burkina Faso, les acquis engrangés sont encourageants. « Il y a eu l’acquisition de matériels et des équipements divers pour les travaux de terrains, les travaux de bureau et de traitement de phosphate. Ce projet est transversal. Il a associé la recherche scientifique, la formation des étudiants, le renforcement des plateaux techniques, l’amélioration des pratiques de production agricole. Au regard des résultats, je pense qu’il faut étudier la possibilité de mise à l’échelle de la production des engrais à base de phosphate naturel du Burkina Faso », a-t-il indiqué.

La présentation du projet

Le coût global du projet est de 1 778 700 000 F CFA. La contribution de l’État burkinabè s’élève à 177 870 000 F CFA (10%) et celle l’Agence japonaise de coopération internationale (JICA) est de 1 600 830 000 F CFA (90%).
Le projet a concerné les zones de Ouagadougou (station de Kamboinsé), du Centre-Ouest (Saria), de l’Ouest (Farako-Ba), de l’Est (Kouaré) et les exploitations paysannes autour des stations de recherche.

Les acquis engrangés

Selon Dasmané Bambara, Chargé de projet, les actions menées dans le cadre de la mise en œuvre du projet ont permis d'engranger de nombreux acquis : méthodologiques ; scientifiques et techniques ; matériels.
Sur le plan méthodologique, il y a d’abord les bonnes pratiques et la collaboration. L'exécution des activités du projet sur le terrain a nécessité l'intervention de chercheurs pluridisciplinaires des deux pays (Burkina Faso et Japon) dans quatre (4) stations de recherche (Kamboinsé, Saria, Kouaré et Farako-Ba). Le suivi de toutes ces activités par le seul chef de projet se ferait difficilement. Il est alors apparu nécessaire de designer des leaders de résultats (un par pays), responsables du suivi, de l'exécution de chaque composante d'activités. Ce sont eux qui rendent compte de la mise en œuvre des activités sur le terrain auprès de l'équipe. Cette approche a amélioré l'efficacité des équipes de recherche sur le terrain.

Elle a permis aux différents leaders de résultats d'effectuer des visites scientifiques dans les laboratoires de JIRCAS au Japon, de même les chercheurs japonais ont effectué plusieurs visites dans des laboratoires de recherche de l'INERA.
Ensuite, il y a eu l'exécution participative incluant les bénéficiaires et les partenaires du projet. Le projet a adopté une démarche participative dans toutes les étapes de sa mise en œuvre. En effet, le phosphate solubilisé produit par les chercheurs de l'INERA est confié à un partenaire du projet à savoir la Société d'exploitation des phosphates du Burkina (SEBP) chargée de la production à l'échelle, Aussi, trois (03) structures du ministère en charge de l'agriculture sont impliquées dans la mise en œuvre du projet. Il s'agit du Bureau National des Sols (BUNASOLS), de la Direction des Intrants et de la Mécanisation Agricole (DIMA) pour ce qui est de l'analyse de la qualité de l'engrais, de la Direction de la Vulgarisation et Recherche développement (DVDR) en ce qui concerne sa diffusion. Afin d'anticiper sur d'éventuelles difficultés et de proposer des réajustements à temps, des rencontres périodiques ont été instituées avec l'ensemble des partenaires à travers des cadres de concertation tels que le comité de revue et le comité conjoint technique.
Par ailleurs, il y a les acquis scientifiques et techniques. Sur le terrain, des formulations d'engrais NPK, à base du phosphate naturel ont été mises au point. En outre, un inventaire des phosphates africains (Sénégal, Niger, Mali, Tanzanie, Zambie, Zimbabwe et Mozambique) dotés de propriétés chimiques, physiques et minéralogiques a été réalisé afin de proposer le modèle du Burkina à ses différents pays.

À partir de ces technologies générées (engrais fabriqués), plusieurs expérimentations ont été menées dans diverses zones agroécologiques du pays. De ces techniques expérimentales, on peut citer : les travaux conduits pour identifier le taux de mélange optimal en évaluant les effets des engrais composés au NPK sur différentes cultures pluviales telles que le sorgho et le riz ; la validation de l'effet de fertilisation des engrais proposés sur le riz pluvial autour de la station de recherche de Saria ; les essais conduits pour développer des méthodes efficaces d'application directe des engrais phosphatés (calendrier, profondeur, vitesse, etc.) pour la culture de sorgho et de riz ; le mécanisme de solubilisation du phosphore par un compost enrichi en phosphate a été évalué sur le sorgho et le riz ; des légumineuses ont été identifiées et des tests effectués pour évaluer l'effet de l'application directe de phosphates naturels sur leurs rendements ; des techniques de culture de l'Azolla (algue) en utilisant du phosphate naturel ont été développées et les effets de son application sur les légumes ont été évalués ; l'expérimentation conduite pour identifier des génotypes de riz qui assimilent le phosphate naturel et/ou ses dérivés ; l'expérimentation conduite pour évaluer les effets du point de localisation des engrais phosphorés sur la production du mil et la fertilité du sol en phosphore ; l'expérimentation conduite pour calibrer et valider le modèle APSIM-mil dans la réponse de rendement aux engrais phosphatés ; l'étude de l'effet de l'application directe du Burkina phosphate sur la croissance de quatre espèces fruitières à haute valeur socio-économique (karité, néré, citronnier et moringa) ; l'étude des effets du BP acidulé et calciné sur les propriétés du sol et les rendements du maïs.

Sur le plan production scientifique, une quinzaine d'articles scientifiques a été produite et publiée dans des revues diversifiées à comité de lecture, indexées ou ayant un facteur d'impact. Aussi des fiches techniques sont en cours de finition.

Le renforcement des capacités par les formations diplômantes a été un aspect important pris en compte dans la mise en œuvre du projet. Sur ce plan, une vingtaine d'étudiants a été formée en collaboration avec six différentes universités au Burkina Faso et au Japon. Les diplômes recherchés vont de la licence au doctorat. Le nombre d’étudiants formés par type de diplôme est la suivante : Licence (7) ; Ingénieur (2) ; Master (11) ; Doctorat (2).
En plus, il y a les acquis matériels. Dans le cadre du projet, il faut noter des acquisitions d'appareils de traitement du phosphate par acidulation partielle, d'un four rotatif pour la calcination à haute température du phosphate et d'un bâtiment équipé de plaque solaire.

Beaucoup d'autres matériels et équipements ont été acquis : matériels et équipements de laboratoires et de bureaux, matériels et équipements de terrain, moyens roulants (motos, tricycle et véhicules).

Les impacts du projet

Les effets constatés peuvent être résumés comme suit notamment au niveau des bénéficiaires : l'amélioration des rendements agricoles à travers la production des engrais phosphatés et des engrais composés efficaces. En effet, le taux d'agriculteurs qui souhaitent utiliser les nouveaux engrais est supérieur à 90 % des producteurs partenaires ; une meilleure capitalisation des connaissances sur les recommandations d'engrais ; des résultats probants sur la recherche agricole ; la contribution des résultats au développement socio-économique ; le renforcement du plateau technique (acquisition de matériels et équipements de laboratoire, de bureau et de terrain, acquisition de moyens roulants, etc.) ; la maitrise de l'utilisation intensive par les agriculteurs des nouveaux engrais NPK ; formation des étudiants pour assurer la relève de demain ; etc.

Bilan d'exécution financière

D'une façon globale, depuis le démarrage du projet, le taux d'exécution financière globale du projet est de 91,5% à la date du 31 décembre 2022.

Les difficultés rencontrées

Quelques faits ayant impacté négativement la mise en œuvre du projet sont à relever. Il s'agit singulièrement de la Covid-19 et de l'insécurité qui frappe le Burkina Faso. Ces deux faits à eux seuls ont sérieusement entaché la mise en œuvre collective des activités de recherche sur le terrain. En effet, ils ont entrainé un retard dans le démarrage effectif des activités et provoquer l'absence de synergie d'action en présentielle entre les chercheurs japonais et burkinabè sur les sites de recherche (déplacements annulés, sites interdits d'accès, etc.). Mais grâce à leurs résiliences face à ces contraintes, les chercheurs japonais et burkinabè ont atteint des résultats fort appréciables.

La gestion de la subvention par le bailleur lui-même, le changement fréquent du chargé de projet et la lourdeur administrative sont aussi des facteurs qui ont eu un impact défavorable à la mise en œuvre du projet.
La mise à l'échelle des résultats scientifiques et technologiques acquis dans le cadre du projet sera à la boussole dans la conduite des activités à avenir. Cette mise à l'échelle permettra à la population de s’approprier des technologies générées en vue d'améliorer les rendements des cultures pour l'atteinte de la sécurité alimentaire.

Du reste, lors de session, les bilans techniques de la mise en œuvre du projet par composante ont été exposés. Les fiches techniques produites ont aussi été mises à la disposition de la Société d’exploitation des phosphates du Burkina (SEPB) et le Bureau national des sols (BUNASOLS).

Jean-Yves Nébié