Document de vulgarisation : Usages et vulnérabilité de la flore ligneuse dans le 20ème site Ramsar du Burkina Faso

Submitted by RedacteurenChef on Fri 19/01/2024 - 11:32
Usages et vulnérabilité de la flore ligneuse dans le 20ème site Ramsar du Burkina Faso

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1. Introduction

En Afrique subsaharienne, les forêts jouent un rôle de premier plan dans la conservation de la biodiversité. Les forêts renferment des espèces uniques et endémiques bien adaptées aux conditions écologiques extrêmes, fournissent des biens essentiels (le fourrage, le bois de feu, les plantes médicinales ou encore les biens marchands comme les résines et les gommes), ainsi que des services (la conservation des sols, la préservation et l’amélioration de la qualité de l’eau, la régulation du débit des eaux et des microclimats, la réduction de la vitesse du vent, la lutte contre l’érosion éolienne et le retardement de la réduction de l’eau et de l’humidité. Les écosystèmes forestiers, à l’instar des galeries forestières du corridor forestier de la Boucle du Mouhoun qui abrite le 20ème site Ramsar du Burkina Faso, jouent un rôle capital dans les systèmes de production (SANOU et al., 2022). Ce site particulier fait l’objet de convoitises en raison des nombreux biens et services écosystémiques qu’il procure aux milliers de populations riveraines. Ainsi, les pressions humaines caractérisées par les modes de prélèvement anarchiques des produits de la forêt conjuguées à la variabilité climatique impactent négativement sur la flore du 20ème site Ramsar du Burkina Faso. Dans un processus de conservation et de préservation de la flore de cet écosystème, il est important d’appréhender les perceptions locales de la disponibilité des espèces ligneuses fortement exploitées et évaluer leur vulnérabilité. Ce document de vulgarisation se veut un outil et/ou guide pour orienter les volontés politiques, les projets et programmes, les agents en charge de l’environnement dans la conservation et de la préservation des habitats du 20ème site Ramsar du Burkina Faso.

2. Matériels et méthodes

Description du site d’étude 

Le corridor forestier de la Boucle du Mouhoun est en grande partie situé dans la région de la Boucle du Mouhoun et une portion de la région du Centre-Ouest du Burkina Faso. Il s’agit d’un massif forestier de neuf (09) forêts classées qui jalonnent le long du fleuve Mouhoun (Figure 1). Il a été inscrit par le Burkina Faso, à travers le projet EBA-FEM, sur la liste des sites Ramsar le 27 Octobre 2017 sous le N°2314. 

figure 1

Figure 1 : localisation du site d’étude (source ???)

Enquête individuelle

A l’issue des focus groupes et d’assemblées de village, des interviews individuelles ont été faits dans quatre villages riverains du 20ème site Ramsar à l’aide de guides interprètes. Il s’agissait des villages de Lan, Oualou, Tiogo-Mouhoun et Didié. L’enquête individuelle a concerné 60 personnes par village (hommes et femme de 30 ans et plus), soit un total de 240 personnes enquêtées. La fiche d’enquête comportait les sections suivantes :

- les caractéristiques socioéconomiques et démographiques de l’enquêté(e) : âge, genre, statut matrimoniale, niveau d’éducation, ethnie, taille du ménage, superficie cultivée, moyens de culture, sources de revenus, temps d’habitation dans la localité etc.;

- l’usage des ressources végétales ligneuses qui se rapporte à l’identification des espèces ligneuses utilitaires, les parties des plantes utilitaires qui sont utilisées, les domaines d’utilisation, le mode de collecte, le stade de développement de l’organe ou produit végétal utilisé;

- les perceptions sur l’état des ressources ont concerné les causes éventuelles de la raréfaction des ressources forestières;

- les propositions locales ou stratégies locales de conservation des espèces utilitaires. Il a été question ici de recenser les solutions locales en cours pour inverser la tendance dégradante des ressources forestières notamment les initiatives locales envisageant la conservation et la préservation des espèces ligneuses locales utilitaires dans les champs et dans les espaces forestiers.

Analyse des données

L’évaluation de la disponibilité des espèces utilisées a été appréciée en utilisant l’indice de rareté des espèces (Rarity-weighted Richness Index) utilisé par KOKOU et al. (2005). La formule est : RI = [1-(ni/N)] x 100

Où RI = l’indice de rareté, ni = nombre de relevés dans lesquels l’espèce i est présente et N = nombre total de relevés. 

En zone soudanienne, des seuils d’interprétation de l’indice de rareté sont retenus en tenant compte des espèces de fréquences moyennes. C’est ainsi que lorsque RI < 60%, les espèces sont dites très fréquentes dans les formations végétales. Celles dont 60 ≤ RI < 80% sont moyennement fréquentes. Celles dont RI ≥ 80% sont dites rares. La vulnérabilité a été évaluée en se basant sur l’échelle de vulnérabilité qui comporte trois niveaux de 1 à 3, proposée par BETTI (2001) (Tableau 1). Une valeur de 1 désigne une espèce peu vulnérable pour les paramètres indiqués, une valeur de 2 représente une vulnérabilité moyenne et une valeur de 3 caractérise une espèce très vulnérable. Ainsi les indices de vulnérabilité seront calculés à partir des paramètres suivants:

- les fréquences d’utilisations (N1);

N1 = npij/ntpe x 100 avec npij= nombre de personnes ayant cité l’espèce i dans un usage j; ntpe = nombre total des informateurs

- les types d’usages des espèces (N2); 

- les organes utilisés (N3);

- le mode de prélèvement (N4); 

- le stade de développement de l’organe prélevé (N5);

- la fréquence relative des espèces dans les relevés (N6). N6= Fr = ni/N x 100 

Avec Fr: fréquence (%) de l’espèce i; ni: nombre de relevés où l’espèce i est présente; N: nombre total de relevés. Les valeurs de N3, N4 et N5 varient de 1 à 3 suivant le type d’organe, le mode de prélèvement et le stade de développement de l’organe végétal (tableau 1). Ainsi, le calcul de l’indice de vulnérabilité de l’espèce i (IVi) suit la formule suivante :

 IVi = N/6 avec N = N1 + N2 + N3 + N4 + N5+ N6, Si IVi < 2 la plante est dite faiblement vulnérable, Si 2 ≤ IVi < 2,5 la plante est dite moyennement vulnérable, Si IVi ≥ 2,5 la plante est dite très vulnérable.

La photo 1 illustre quelques utilisations faites des organes prélevés des arbres dans le 20ème site Ramsar du Burkina Faso.

Tableau 1 : Paramètres importants pris en compte pour le calcul d’indice de vulnérabilité.

tableau 1.1

tableau 1.2

(FU: Fréquence d’utilisation relative des espèces; Nu: Nombre d’usages; Fr: Fréquence relative; Fm: Fréquence relative maximale)

photo 1

Photo 1: Quelques biens et services du 20ème site Ramsar du Burkina Faso 

3. Résultats

Principaux modes de prélèvement et usages 

Les principaux modes de récolte des organes végétaux sont la cueillette et la coupe (Figure 2). Les fruits, les feuilles et les fleurs sont cueillis généralement à la main. Le bois, les branches et les écorces et les racines sont prélevés à l’aide d’une machette, de pioches ou d’une hache. Les principaux modes de prélèvement des organes végétaux définis dans l’étude sont l’émondage, la défeuillaison, le dessouchage et le prélèvement d’écorce. Les prélèvements des fruits, des feuilles et des fleurs sont destinés à l’alimentation, ceux des écorces et des racines à la médecine traditionnelle et enfin les prélèvements des branches entrent dans la confection des toits et des chaises et dans la construction des hangars. Les populations se soucient de plus en plus des dommages causés par les prélèvements. Ainsi, elles déclarent ayant rarement recours à l’émonde, dessouchage et à l’écorçage. Les répondants soutiennent par contre qu’ils pratiquent fréquemment la défeuillaison.

figure 2 

Figure 2 : Modes de prélèvement des produits forestiers dans le corridor forestier de BdM

Rareté et Vulnérabilité des quatre espèces ligneuses les plus utilisées par les populations 

Le calcul des indices de rareté montre que Vitellaria paradoxa (RI=40%) et Lannea microcarpa (RI=46%) sont très fréquentes dans la zone d’étude. Parkia biglobosa (RI=72%) et Adansonia digitata (74%) sont dites fréquentes. De même, le calcul des indices de vulnérabilités a permis d’obtenir pour les quatre espèces les indices suivants : Vitellaria paradoxa (Iv=2), Adansonia digitata, Lannea microcarpa et Parkia biglobosa ont un Iv=2,16. Cela traduit le fait que ces quatre espèces sont moyennement vulnérables dans le corridor forestier de la Boucle du Mouhoun (Tableau 2).

Tableau 2 : Indices de rareté des espèces utilitaires citées par les enquêtés

tableau 2.1

tableau 2.2

4. Conclusion

Cette étude a permis de dresser une liste des espèces ligneuses fortement utilisées dans le 20ème site Ramsar du Burkina Faso et d’évaluer leurs vulnérabilités. Une liste de 54 espèces ligneuses utilitaires appartenant à 24 familles a été dressée. Cette richesse floristique témoigne d’une bonne connaissance des populations riveraines de leur milieu mais aussi de la place qu’occupe la flore ligneuse dans la vie socio-économique des populations locales. Ces espèces sont utilisées dans l’alimentation humaine et du bétail, dans la pharmacopée, l’outillage, l’énergie, la construction et la teinture, etc. Vitellaria paradoxa, Lannea microcarpa, Adansonia digitata et Parkia biglobosa) sont les espèces les plus vulnérables dans le site Ramsar N°2314 du Burkina Faso. Pour une gestion durable de ce site, il est important de mener des actions individuelles et collectives qui garantissent la pérennité de ces espèces (atténuation des effets des feux, de la pâture, de la coupe, plantation et protection des plantules de ces espèces, encourager l’adoption de l’agroforesterie au sein des populations riveraines de ce site etc).

SANOU Lassina1*, OUEDRAOGO Souleymane1, KOALA Jonas1, SAVADOGO Patrice2

1Institut de l’Environnement et de Recherches Agricoles (INERA) Burkina Faso

3Food and Agriculture Organization of the United Nations (FAO), Sub Regional Office West Africa, Dakar, Sénégal

*Auteur correspondant: SANOU Lassina; email: lassina.sanoulassina@gmail.com

5. Références bibliographiques

SANOU L., KOALA J., OUEDRAOGO S., OUATTARA B. 2022. Perceptions, services écosystémiques et vulnérabilité des espèces ligneuses à multiples usages du 20ème site Ramsar au Burkina Faso, Afrique de l’Ouest. Afrique SCIENCE : revue internationale des sciences et technologie 20(3):25-40 

SANOU L., SAVADOGO P., EZEBILO E.E, THIOMBIANO A., 2017. Drivers of farmer’s decisions to adopt agroforestry: Evidence from the Sudanian savanna zone, Burkina Faso. Renewable agriculture and Food Systems, 34(2):116-133.