
Aussitôt lancée, le 3 juin 2025, la répartition des droits d’auteur au Bureau Burkinabè du Droit d’Auteur (BBDA), les titulaires membre de l’organisme de gestion collective sont montés au créneau sur les réseaux sociaux, notamment Facebook, pour dénoncer « une mauvaise gestion des droits d’auteur ». Plusieurs artistes ont fait des publications dans ce sens. Dans cet entretien, le BBDA, à travers Delphine Somé/Zongo, Directrice de la Documentation Générale et de la Répartition, apporte un éclairage sur les mécanismes de collecte et de répartition des droits d’auteurs, en s’appuyant sur des cas pratiques (voir PDF en pièce jointe). Lisons !
Depuis le 03 juin 2025, au titre de la traditionnelle séance de répartition de mai, les titulaires de droits membres du Bureau Burkinabè du Droit d'Auteur sont invités à passer à la caisse. Qui sont les membres et les catégories de droits concernés par cette répartition ?
La répartition du mois de mai 2025 porte sur les droits de représentation et la copie privée des œuvres d’art graphique et plastique communément appelées (AGP).
Les droits de représentation sont les droits dus par les utilisateurs au titre des exécutions publiques des œuvres littéraires et artistiques protégées.

Il existe deux (02) types de droits de représentation : les droits de représentation directe et celle indirecte.
Les droits de représentation directe sont les droits collectés auprès des utilisateurs tels que : organisateurs et promoteurs de spectacle pour les séances et manifestations occasionnelles (concerts, dîners gala, etc.).
Les droits de représentation indirecte sont les droits collectés auprès des utilisateurs tels que : organismes de radios-télés, bars, kiosques, maquis, restaurants, hôtels, night-clubs, salles de cinéma, les banques, les assurances, les sociétés de téléphonies, les entreprises privées et publiques, les exposants d’œuvres d’art graphiques et plastiques, etc.
À combien s'élève la cagnotte à repartir à cette séance ?
Les droits répartis en mai 2025 proviennent des collectes de l’année 2024. Ainsi, le montant total des redevances collectées en 2024 au titre des catégories mises en répartition en mai 2024, s’élève à huit cent dix-huit millions huit cent deux mille quatre cent vingt-huit (818 802 428) Francs CFA dont la part du droit d’Auteur s’élève à six cent vingt-deux millions sept cent soixante-dix-neuf mille six cent soixante-un (664 041 386) Francs CFA pour cette répartition et le reste sera repartit en Août 2025 au titre des droits voisins.
À la suite de la collecte, les prélèvements statutaires suivants ont été opérés :
- Frais de gestion (qui varient de 5 à 35% selon la catégorie) : 201 909 484 Francs CFA (30,41% des droits collectés au bénéfice des auteurs) ;
- Fonds de promotion culturelle et œuvres sociales (qui varient de 10 à 35%) : 49 418 951 Francs CFA 7,44% des droits collectés au bénéfice des auteurs).
Ainsi le montant global net des droits mis en répartition au titre des droits de Représentation et de la rémunération pour copie privée des œuvres AGP s’élève donc à quatre cent douze millions sept cent douze mille neuf cent cinquante (412 712 950) Francs CFA.
La répartition à peine commencée, certaines voix sur les réseaux sociaux, en particulier sur Facebook, dénonce le manque de transparence dans la répartition des droits entre les membres. Déjà, comment le BBDA collecte les redevances auprès des utilisateurs des œuvres littéraires et artistiques ?
Les redevances de droit d’auteur sont collectées auprès des utilisateurs d’œuvres littéraires et artistiques dans le domaine de la musique, la littérature, l’art dramatique, l’audiovisuel et l’Art Graphique, Plastique et Photographique (AGP).
Les redevances payées au titre de l’exploitation d’œuvres protégées, sont des droits de nature strictement privée et destinées uniquement aux auteurs des œuvres exploitées
On distingue plusieurs types d’utilisateurs d’œuvres littéraires protégées. Il s’agit essentiellement des radios, des télévisions, des bars, des hôtels, des restaurants, des kiosques, des entreprises publiques et privées, les sociétés de télécommunication, les organisateurs de séances occasionnelles (concert, festival, défilé de mode, exposition d’œuvres d’art graphique et plastique…) ; etc.
Certains artistes affirment que leurs œuvres ont été massivement exploitées par les stations de radio et de télévision, les maquis, les night-clubs, les hôtels, les restaurants, les cinémas et les exposants d'arts. Cependant, ils sont déçus lorsqu'ils viennent au BBDA pour la perception de leurs droits. Comment se fait la réparation des recettes collectées par le BBDA ?
La répartition des droits est un processus de distribution des redevances perçues auprès des utilisateurs d’œuvres littéraires et artistiques protégées au profit des créateurs en fonction de l’exploitation de leurs œuvres.
La répartition des droits au BBDA tire son fondement de la Loi N°048-2019/AN du 12 novembre 2019 portant protection de la propriété littéraire et artistique et de l’Arrêté N°2020-0394/MCAT/SG/BBDA portant adoption du règlement de répartition du 08 Octobre 2020.
Selon l’article 3 de l’Arrêté N°2020-0394/MCAT/SG/BBDA portant adoption du règlement de répartition du 08 Octobre 2020 « La répartition des droits se fait sur la base des sommes collectées, de l’exploitation des œuvres, des coefficients des œuvres et de l’âge des interprétations ou exécutions sonores et audiovisuelles fixées ou des expressions du patrimoine culturel traditionnel ».
Les sommes perçues au titre de l’exploitation des œuvres constituent généralement les montants bruts à répartir.
Des retenues statutaires sont effectuées sur les montants bruts perçus pour les frais de gestion, le Fonds d’œuvres sociales (FOS) et le Fonds de promotion culturelle (FPC).
Le taux des frais de gestion varie de 5 à 35% selon la catégorie.
Au titre des droits de représentations (représentation directe et représentations indirecte), un taux de 10% est prélevé pour alimenter le Fonds de Promotion Culturelle (FPC) à hauteur de 5% et 5% pour les œuvres Sociales (FOS).
Au titre de la Rémunération pour Copie Privée (RCP) ; c’est un taux de 35% qui est prélevé pour alimente uniquement le FCP.
Quels sont les outils et critères qui sont utilisés pour la répartition des recettes entre les membres ?
Les outils utilisés pour la répartition :
- Des ordinateurs ;
- Des logiciels : SMART (pour la musique, l’art dramatique), SOFT ART (pour les œuvres d’art graphique, plastique et photographique) REPRO SOFT (pour les œuvres littéraires) et YENNEGA (pour l’audiovisuel) REPRO-PRESSE (pour les articles de presse écrite) ;
- Les relevés de programmes des utilisateurs ;
- Les attestations de diffusion ;
- Les liasses de duplication des supports ;
- La documentation des membres et des œuvres enregistrées dans les bases de données.
Les critères de répartition :
- Au titre des droits représentations (redevances collectées auprès des bars, buvettes, radios, télés, hôtels, maquis, restaurant etc.), les critères utilisés sont :
- La somme des redevances collectée auprès de chaque utilisateur ;
- Les œuvres exploitées par chaque utilisateur ;
- La fréquence et la durée de chaque œuvre ;
- Le coefficient affecté à chaque œuvre.
- Au titre de la Rémunération pour Copie Privée (RCP) droit d’auteur, les critères utilisés sont :
- La somme des redevances collectée au titre de la RCP ;
- La fréquence et la durée de chaque œuvre ;
- Le coefficient affecté à chaque œuvre ;
- Au titre de la Rémunération pour Copie Privée (RCP) droits voisins les critères utilisés sont :
- La somme des redevances collectée au titre de la RCP droits voisins
- L’âge des interprétations ou exécutions sonore, audiovisuelles et dramatique.
- Au titre des droits de reproduction mécanique (DRM), les critères utilisés sont :
- La somme collectée au titre des DRM ;
- Le nombre d’œuvres ou la durée de l’œuvre ;
- Le coefficient des œuvres reproduites.
- Au titre des droits de Reproduction par Reprographie (RRO), les critères utilisés sont :
- Les sommes collectées au titre de la RRO ;
- Le coefficient des œuvres littéraires (ouvrages) ;
- Le nombre de page ;
- Le prix de vente.
Les titulaires de droits mécontents dénoncent malgré tout une répartition à la tête du client. Qu'est-ce qui peut bien expliquer qu'une œuvre très exploitée bénéficient de moins droits ?
Une œuvre beaucoup exploitée peut bénéficier de moins de droits de dans les conditions suivantes :
- L’utilisateur qui a exploité ladite œuvre peut avoir payé des redevances dérisoires en fonction du volume d’exploitation ;
- Il a exploité par contre beaucoup d’œuvres.
En effectuant les calculs à travers les logiciels, l’œuvre qui a été beaucoup exploitée ne pourra pas bénéficier de beaucoup de droits compte tenu du volume d’exploitation et du montant payé par l’utilisateur.
Nous avons l’habitude de prendre en exemple les droits radios où les œuvres sont beaucoup diffusées au cours d’une année (Ndlr : Voir cas pratique en pièce jointe).
Les déclarations des exploitations par les utilisateurs sont-elles contrôlées par le BBDA pour s'assurer de la véracité ?
Le BBDA n’a aucun moyen de contrôle sur les exploitations des utilisateurs. Il compte sur la bonne fois des utilisateurs. Mais, s’il y a contestation, le BBDA se réfère à l’utilisateur pour des vérifications.
Par ailleurs, il y a certaines utilisateurs (radios) qui ne disposent toujours pas de logiciel de production automatique des relevés de programme.
Il y a aussi que certains artistes renseignent mal les fiches de déclaration des œuvres. Comment procédez-vous pour résoudre le problème ?
Lors des déclarations, les artistes sont assistés par les agents du BBDA pour le remplissage des déclarations. A ce niveau aussi, il peut avoir des fausses déclarations ou des bulletins mal renseignés. Pour ces cas, l’artiste sera interpellé pour des modifications desdites déclarations.
Parfois, les services techniques rencontrent lors du traitement des relevés de programmes, des œuvres non déclarées et qui sont diffusées. Pour ces cas, les agents appellent les intéressés pour procéder à la déclaration desdites œuvres afin de ne pas perdre des droits.
Les titulaires de droits ne sont pas toujours bien informés du travail mené par le BBDA. Ne faut-il pas organiser des séances régulières de formation et d'information pour les sensibiliser ?
À ce niveau, il faut dire que le BBDA organise chaque année des séances de formation et de sensibilisation à l’endroit des artistes. En plus de cela, les services techniques sont toujours disponibles pour données les informations sur la documentation et sur les mécanismes de répartition. Mais malheureusement, très peu d’artistes participent à ces séances de formation ou viennent à la source pour comprendre avant les paiements des droits.
Avez-vous une adresse particulière ?
Afin d’éviter les polémiques, nous invitons les artistes à prendre attache avec les services techniques du BBDA pour toutes informations, explications et conseils par rapport à la gestion collective d’une manière générale et en particulier sur les mécanismes de répartition des droits.
Jean-Yves Nébié
P.J : Cas pratiques de répartition