Jacob Bamogo, directeur du Festival Wed-bindé de Kaya : « La visite du ministre de la Culture a essuyé mes larmes »

Submitted by RedacteurenChef on Thu 11/12/2025 - 17:57
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Le 25 novembre 2025, nous sommes allés à la rencontre de Jacob Bamogo, promoteur du savoir-faire ancestral des forgerons et directeur du Festival Wed-bindé de Kaya. À l’occasion, le président de l'association culturelle Passaté nous a parlé de la promotion des sites de métallurgies anciennes de fer, du Festival Wed-bindé, de ses meilleurs souvenirs, des difficultés rencontrées dans la promotion des sites, de l’expédition des membres de l’association en République populaire de Chine, etc.

Il est vrai que tu n’es pas une personnalité méconnue du public. Mais est-ce qu’il y a des aspects de ta biographie que tu souhaiterais présenter à nos lecteurs ?

Non, vous l'avez si bien dit. Je suis Jacob Bamogo. Je suis le promoteur du savoir-faire ancestral des forgerons et le directeur du Festival Wed-bindé de Kaya. Je suis le président de l'association Passaté.

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Jacob Bamogo, promoteur du savoir-faire ancestral des forgerons et directeur du Festival Wed-bindé de Kaya

J’ai été technicien au ministère en charge de la Culture, mais actuellement j'enseigne dans plusieurs universités et dans des écoles techniques, au niveau national et international. J’enseigne le son et la lumière.

Justement, on va échanger sur le Festival Wed-bindé, qui a vraiment marqué le Burkina de son empreinte. Alors, comment se porte le festival ?

Le Festival Wed-bindé se porte bien. Quand on regarde au fond, on trouve que c'est très bien, parce que c'est assez exceptionnel quand on fait le bilan aujourd'hui du festival, on est tous fiers. Et je sais que tous ceux qui m'ont accompagné depuis le début comme vous, vous êtes tous fiers, parce que ce n'était pas évident. Les débuts ont été très difficiles. Il m'est arrivé qu'après le festival, avec de la chance, je sois sollicité à l'international. J’y vais, je fais mon boulot et je reviens pour payer les hôteliers. C’était difficile parce qu'on n'avait pas d'accompagnement.

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Le ministre de la Communication, de la Culture, des Arts et du Tourisme, Pindgwendé Gilbert Ouédraogo, a visité le site des fourneaux le 21 novembre 2025 

Et il y a ce petit secret dont je ne parle pas souvent. Il m'est arrivé que le Niger, où j'ai travaillé à un moment donné, me donne 500 000 francs après chaque édition, parce que je fais la promotion des artistes nigériens. J'ai travaillé à un moment donné au Niger, quand j'ai pris ma disponibilité au niveau de la Fonction publique au Burkina Faso, et j'ai dirigé les Jeux de la Francophonie en 2005 là-bas, comme régisseur général des Jeux de la Francophonie. Et ces messieurs-là, ils ne m'ont jamais oublié. Chaque édition, ils m'envoient 500 000 francs. Pendant ce temps, mon pays me donne 200 000 francs. Et les 200 000 francs, c'est un an après que je les reçois. Il y a des choses, je n'en parle pas, parce que la vie est comme ça. C’est tout un combat, et il faut toujours avoir la chance d'avoir certaines personnes à tes côtés pour se battre. Et je ne me suis jamais découragé, parce que j'ai des gens qui m'accompagnent toujours. Vous avez été plusieurs fois le président de la commission presse, et ça n'a pas été facile. J’imagine, et je sais que vous pouvez aussi faire un petit témoignage par rapport à ce bilan (ndlr : il parle de Cyr Payim Ouédraogo, qui a été plusieurs fois responsable de la commission presse du festival). Et aujourd'hui, on en est fier, parce que nous avons pu inscrire les sites de métallurgies anciennes de fer du Burkina Faso au patrimoine mondial de l’UNESCO en 2019. Et notre association a collaboré aux fouilles archéologiques.

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Jacob Bamogo au ministre Pindgwendé Gilbert Ouédraogo : " Avec votre visite, vous avez essuyé mes lames"

Grâce à l'appui de l'Université de Ouagadougou et des chercheurs en Europe, on a pu faire la fouille à Kaya et dans d'autres régions où il y avait des fourneaux. On a fait le tour pour voir tous les fourneaux à Yamané, à Douroula, etc. Et c'est à partir de là qu'on a même pu dater l'existence du fer au Burkina Faso. Au Centre-Nord (actuelle Région des Kuilsé), c'est entre le 6e et le 7e siècle avant Jésus-Christ. Et dans d'autres régions, c'est le 4e siècle avant Jésus-Christ. Ce qui signifie que ça fait très longtemps que ce savoir-faire a existé, et qui existe toujours d'une façon ou d'une autre.

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Démonstration de réduction du fer à Kaya

Et après tout ça, on a pu faire l'inscription au patrimoine mondial de l’UNESCO. Quand les experts sont arrivés, ils sont venus sur le site. Ils avaient voulu me rencontrer, mais on ne m'a pas dit. Et c'est quand ils étaient sur place que certains ont demandé pourquoi ils n'ont pas informé le responsable. Quand ils ont vu le site, ils ont vu qu’il n'y avait pas seulement des fourneaux du Burkina Faso. Il y a ceux du pays Dogon, du Mali, de la Côte d'Ivoire, du Niger. Et ils ont dit, en voyant les anciens fourneaux et les nouveaux fourneaux, que c'est exceptionnel ce que nous faisons ici.

Donc les nouveaux fourneaux sont ceux que l'association Passaté a reconstruits ? Dans quel secteur de Kaya se trouvent-ils ?

Oui. Les nouveaux fourneaux se trouvent au secteur 6 de Kaya, sur la voie de Boulsa, à 200 mètres de la voie principale. 

Parlons du Festival Wed-bindé, qui a plusieurs années d’existance, et qui a permis aussi la reconstruction des petits fourneaux, de faire des fouilles archéologiques vers Korsimoro, avec la contribution des enseignants, des chercheurs, des étudiants. Alors, quand on parle du Festival Wed-bindé, pour ceux qui ne savent pas, c'est quoi au juste ?

Depuis le début de notre combat, notre mission est de faire valoir cette danse Wed-bindé. C’est une danse qui imite le mouvement du tronc du cheval quand il marche. Quand il marche, c'est le tronc seulement qui bouge. Vous voyez souvent, il y a des gens qui portent des canaries, et malgré tout, ils peuvent danser toujours.

Cette danse n’existe pas seulement au Burkina Faso. J'ai vu presque la même chose vers la République Démocratique du Congo, avec Tshala Muana, quand elle dansait. Quand j'y étais, je suis me suis renseigné et ils ont dit que c'était leur tradition. Et je leur ai dit que nous avons la même tradition chez nous.

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Des jeunes filles dansant le wed-bindé

Quand j'étais jeune, j'étais chef de danse. J’étais devant les danseurs et les danseuses. Donc ça veut dire que c'est quelque chose qui m'a beaucoup plu. Et ma chance est que j'ai découvert presque le monde entier. Et je n'ai pas vu un pays qui a pu se développer sans s'appuyer sur sa culture. Et c'est ça qui m'a beaucoup touché.

Nous avons alors lancé le festival depuis 2001. Ce qui m'a poussé à aller jusqu'au bout, c'est quand un président français disait que les Africains n'ont pas de science et n'ont rien. Notre science n'est pas écrite, elle est transmise de père en fils. Donc je me suis dit que je vais aller voir les anciens pour voir comment on pouvait obtenir le fer sans le fer du Blanc. Parce que ça existait et je sais qu'on nous en parle. Mon père m'en parlait, nos grands-parents nous ont parlé de tout ça. Et j'ai voulu savoir cette technique. Et à partir de 2005 à Dablo, on a pu organiser des démonstrations. Et on a fait venir les chercheurs de l'Université de Ouagadougou, notamment le Pr Jean-Baptiste Kiethega, qui était là avec toute son équipe. Et c'était formidable. Les vieux ont impressionné les gens, avec beaucoup d'explications. Le Haut-commissaire s'est déplacé exceptionnellement pour ça. Et ça s'est très bien passé.

À partir de là, on a essayé maintenant de se battre pour pouvoir faire valoir cette technique. Et aujourd'hui, comme je le disais, on a pu réunir pas mal de pays tout autour de la métallurgie ancienne. Et on a même eu une année où il y a eu des Amérindiens qui sont venus, ils ont appris l'histoire. Ils ont dit qu’ils ont presque la même technique. Et sur le site, vous pouvez voir le fourneau amérindien.

Pour le festival, quels sont les meilleurs souvenirs que vous gardez ?

L’un de mes meilleurs souvenirs, c'est quand j'ai appris que les anciens sites ont été inscrits au patrimoine mondial de l’UNESCO. C'est exceptionnel parce qu'il est rare de voir une association qui a choisi de promouvoir un savoir-faire et qui s’est battue jusqu'à réussir à le faire reconnaître par l'UNESCO. Ça a été vraiment exceptionnel pour moi. Et ça, c'est en avril 2019.

Et en 2020, nous avons reçu une lettre d’accréditation. Notre association est reconnue par l'UNESCO comme une association qui se bat vraiment pour notre patrimoine. Et cela nous a beaucoup touché. Et après ça, le combat a continué. 

Et quand le ministre de la Communication, de la Culture, des Arts et du Tourisme, Pindgwendé Gilbert Ouédraogo, est venu sur le site, c'était exceptionnel. Et je me suis permis de lui dire publiquement qu'il a essuyé mes larmes. Parce que, vous vous rappelez, il y a une année où les fourneaux sont tombés suite à une inondation. Et j'étais à l'extérieur. Je suis allé et j'ai vu que c'est avec des bois qu'on a essayé de soutenir d'autres fourneaux penchés. Sans le savoir, j'ai versé des larmes. Et vous savez pourquoi ? Parce qu'au niveau de ma famille, on me dit : « Toi, tu es grave. Au lieu de construire des villas pour les mettre en location, tu te préoccupes de ces cultures ». Et quand j'ai réfléchi à tout ça, je n'en pouvais plus. J'ai versé des larmes parce que j'étais dépassé. Parce que personne ne s'intéresse à ça. Et le jour encore, heureusement que la presse était là pour voir mes larmes couler. Et donc j'ai dit au ministre, en tout cas sincèrement, qu’il est venu essuyer mes larmes. Parce que depuis notre existence, notre combat, il n'y a jamais eu un ministre qui est venu assister à la démonstration. C'est seulement le ministre Baba Hama qui est venu faire une cérémonie de décoration sur le site. Parce qu'à son temps, il n'était pas au Burkina et il n'a pas pu assister à l'événement. Et j'étais content parce qu'il a permis aux gens de découvrir le site.

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Restauration d'un fourneau

 

Au temps des ruines de Loropéni, j'étais encore au ministère en ce moment, j'ai assisté à tout, j'ai pu faire des prises de vue. Dès qu'ils ont inscrit ça au patrimoine, j'ai dit qu’il faut que les agents du ministère même découvrent les lieux. Il ne faut pas attendre que d'autres personnes les découvrent avant eux.

Vous ne pouvez pas inciter les gens à visiter le site, alors que si vous demandez aux agents où se trouve le site, ils ne savent pas. Peut-être qu’ils peuvent vous dire qu’il est à Loropéni. Mais, ils ne peuvent pas vous donner plus de détails. Nous sommes le ministère de la Culture. C’est à nous d'aller même découvrir les sites et pouvoir en faire la promotion et la conservation. J'étais heureux quand Baba Hama est venu avec les agents du ministère. Beaucoup ont vu pour la première fois le site. Ils n’étaient jamais venus.

Avec la présence du ministre sur le site, le 21 novembre 2025, c'était la troisième fois que j'ai été vraiment touché. Et j’ai profité de l’occasion pour remercier encore une fois les hommes et femmes des médias. Ils ont toujours été présents à nos côtés. Vous avez été là et c'est grâce à ça que notre combat a continué.

C'est vrai qu'il y a des lueurs d'espoir. Mais, quand on fait un recul, est-ce qu’il n’y a pas eu des difficultés ? Et du côté du festival, est-ce que l'insécurité n'a pas beaucoup joué sur la participation de certaines troupes venues des autres localités ?

En tout cas, ça n'a pas été facile. Ça a été un combat de longue haleine. Mais, il y a des gens qui n'ont pas compris. C'est ce qui est regrettable. Pas au niveau même de notre association. Dans l'association, les gens sont tous engagés, comme les gens de la presse. Dès qu'ils apprennent que le festival doit avoir lieu, ils ne se focalisent pas forcément sur l'argent. Ils veulent seulement qu'on en parle pour que le monde entier le sache. Par contre, l'autre souci, et les gens peut-être n'ont pas bien compris, ce sont en réalité les lieux. Aujourd'hui, quand on voit le site, on pense que c'est un lieu assez exceptionnel. Mais ce lieu-là, il a fallu l'accompagnement des autres pays. Par exemple, vous voyez le muret qu’on a, c'est grâce à la Fondation Prince-Klaus. C'est un ministère encore qui m'a aidé à monter le dossier et on l'a présenté au niveau de la Fondation Prince-Klaus. Ils étaient contents, ils nous ont aidés à clôturer, à délimiter même les lieux. Et d'autres personnes ne voulaient même pas qu'on mette un muret. Ils disaient le muret allait empêcher la vue des gens. Mais actuellement, les animaux dansent dessus. Il y a même une chienne qui a mis bas sous les fourneaux. C'est pour vous dire qu'il y a en tout cas beaucoup de soucis, surtout pour la protection. Ce n'est plus pour nous, c'est pour le Burkina Faso. Parce qu'on ne parle pas de moi, on ne parle pas de l'association, on parle du Burkina. Si on parle de l'association accréditée, on peut parler de nous, mais s’il s’agit des fourneaux inscrits au patrimoine mondial de l'UNESCO, c'est le Burkina.

Il faut que les gens acceptent de nous accompagner d'une façon ou d'une autre. Par exemple, on a un gardien, on doit restaurer tous les fourneaux chaque année. Et on doit changer même les bâches de protection. Comme on fait des démonstrations, on ne peut pas utiliser certaines matières. Il y a certains fourneaux qui ont une couleur noire. Ça veut dire qu'on a utilisé un peu de beurre, d'huile pour badigeonner le tout. Là, même s'il pleut, il n'y a pas de problème. Mais, les autres fourneaux où on fait des démonstrations, on est obligé de les laisser comme ça. Il faut que ça se céramise. On n'a pas les moyens de faire plusieurs démonstrations pour céramiser. Du coup, on est obligé de les restaurer chaque année. Après la pluie, on est obligé de restaurer.

Mais, est-ce qu'il n'y a pas un projet qui pourrait mettre ces fourneaux à l’abri des intempéries ? Est-ce qu'on ne peut pas imaginer un projet ambitieux dans ce sens ?

En tout cas, ça nous fera plaisir. S'il y a des gens qui ont des idées, nous sommes preneurs. Par contre, on a voulu faire un truc naturel. Même quand on a parlé du mur, on n'a pas voulu faire un grand mur. Parce que ça va empêcher la visibilité.

Et surtout, à cause de l'insécurité, souvent on a un minimum de 100 000 F CFA ou 200 000 F CFA chaque année au niveau des visites. Pour les élèves j'ai décidé naïvement qu'on ne doit pas payer. On doit essayer de les pousser à venir voir et à apprendre ce savoir-faire ancestral. Donc, eux, ils ne paient pas. Mais, pour les autres visiteurs qui viennent payer, on avait quelque chose qui pouvait nous aider à payer les factures d’eau et d’électricité. Mais maintenant, il n’y a rien. Il n'y a pas de visites.

Mais, une année, j'avais visité le site avec ma famille. On a découvert des forgerons qui étaient installés, qui fabriquaient des objets. Ça permettait aussi à ces forgerons d'avoir une activité pérenne et de se faire un peu d'argent. Est-ce qu'il n'y a toujours pas cette animation ?

Si. C'est exceptionnellement. Je me suis dit, pourquoi ne pas avoir des forgerons dans un espace de forgerons ? Et je l'ai fait. Il y a eu l'insécurité. Et les forgerons de Dablo sont venus. C'est ma famille. Je leur ai dit : « Vous venez, je vais vous aider à construire le hangar, à avoir tout ce qu'il faut. Et pour les matières premières, je vais vous aider ». Et c'est comme ça qu'ils sont venus s'installer. Je rends grâce à Dieu parce qu'aujourd'hui, ils s'en sortent. Ils vivent de ça. Et j'ai exigé qu’ils initient les enfants en retour. Pour le festival, à chaque édition, j'essaie de former au moins 100 enfants aux contes, à la danse, à la forge, au design. Par exemple, à la dernière édition, deux gosses ont réussi à fabriquer un hélicoptère. Et quand on met les piles, les hélices tournent. En même temps, j'ai cherché à les voir. Ils ont dit que leurs parents sont partis. On ne sait pas où. Et je ne sais pas de quelles familles ils sont. Et c'est dommage.

À chaque édition, j'essaie aussi de former les femmes déplacées. Au lieu d'être là à mendier, je les invite à apprendre un métier, la poterie décorative par exemple. Et beaucoup de femmes viennent, effectivement, apprendre. C'est formidable.

À la rencontre du gouvernement et secteur privé, à Ouahigouya, j'étais heureux. Parce qu'il y a un jeune handicapé qui est venu. J'ai formé les handicapés moteurs. Les femmes, les hommes. Mais ce monsieur-là, il vit de ça actuellement. Et il m'a même envoyé des images. Mais c'est formidable. Il m'a dit : « Tonton, vous nous avez sauvés ». Et on l'a invité même à Ziniaré pour former des personnes handicapées. Une femme a également témoigné. Elle m'a même dit qu’à chaque fête du 11 décembre, c'est elle qui fait les masques pour les enfants pour les défilés. Et il y a d'autres dames aussi à Bobo. Elles disent que c’est devenu leur métier.

Notre rôle, c'est d'aider ceux qui sont vraiment dans le besoin à vivre aussi, au lieu de mendier.

Récemment, vous étiez en République populaire de Chine. Quel bilan vous faites de votre visite ?

Vraiment, c'est un bilan positif. Je profite de cette tribune pour remercier le ministère de la Communication, de la Culture, des Arts et du Tourisme. Parce que ce sont eux qui ont pris en charge les huit billets. On n'avait pas ces moyens. Et le festival en question, c'est un festival qui est très exceptionnel. Ça s'appelle le Festival Mondial de la Culture. Et ce sont des pays du monde entier qui se retrouvent. Et cette année, exceptionnellement, c'est nous qui représentions l'Afrique, le Burkina Faso. Et on est allé avec nos danses, le Warba, le Yarma, le Liwaga, etc.

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Burkinabè et Chinois ont fraternisé

Et, bien sûr, des démonstrations qu'on a eu à faire. Et c'était exceptionnel parce que les gens n'y croyaient pas. Ils se demandaient si on pouvait sortir du fer avec de la latérite. On leur disait qu’ils allaient en être témoins. Mais on a un peu souffert. Le charbon qu'ils utilisent là-bas, ce n'est pas le charbon qui sied. Heureusement qu'on en avait apporté beaucoup. On était obligé d'interrompre leur charbon pour pouvoir continuer. On n'a pas fait 2 heures, on a fait 3 heures. En gros, 4 heures. Et après, le résultat était positif. Tout le monde était heureux. Même le directeur du festival, il dit que c'est formidable. Il n'a jamais vu ça. C'est ça, le savoir ancestral. Le partage culturel.

Justement, grâce à ce contact avec notre ministère, et peut-être certains partenaires à l'extérieur, qu'est-ce qui est prévu en termes de perspectives pour renforcer les acquis ?

Ce qui est intéressant, c'est que par rapport à ce qu'on a fait là-bas, il y a déjà un festival, des partenaires français qui ont souhaité qu'on vienne en France en 2026 pour faire les mêmes démonstrations. Donc ce n’est déjà pas mal.

Puisqu’il s’agit de valeurs ancestrales, est-ce qu'il y a un programme avec le ministère pour un renforcement des capacités ?

J'espère et je le souhaite vivement. Je pense que c'est possible. Parce que, après la fouille archéologique, par exemple, ils ont dit que si le Burkina décidait d’exploiter le fer qu'il y a dans son sous-sol, le Nord et le Centre-Nord seulement peuvent s’autosuffire et servir l'Afrique de l'Ouest. Ça veut dire qu'il y a du fer. Si l'État décide d'exploiter le fer, on peut aller très loin.

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Séance de démonstration de réduction du fer en Chine 

Et pour la petite histoire, il y a un Franco-sénégalais qui est venu pendant le COVID et il a appris ce qu’on faisait sur les réseaux sociaux. Il est venu à Kaya et ce qu'il a vu l’a beaucoup émerveillé. Quand il est reparti, il est allé construire un fourneau. Le petit et le haut fourneau qu'il a construit entre les trois frontières : Guinée, Sénégal et Mali. Et il a pu même exploiter ça. Il m'a envoyé des images.  

À quand la prochaine édition du Festival Wedbindé ? Quelles sont les activités phares ?

Comme d'habitude, il y aura toujours les démonstrations. Et on invite en tout cas une nouvelle famille de forgerons africains ou burkinabè qui souhaiterait vraiment venir construire son fourneau et faire des démonstrations à nous contacter. Le festival aura lieu en novembre 2026, après les récoltes.

Donc, on invite tous ceux qui peuvent nous accompagner, on sera très heureux de les avoir avec nous. Et Ces personnes seront fières aussi. Parce que si on a réussi à l'inscrire et à être accrédité, c'est que c'est un combat réussi.

Pour clore cet entretien, est-ce qu'il y a une adresse particulière aux partenaires, à nos autorités, puisque nous sommes dans une période révolutionnaire?

En tout cas, nous, on souhaite vivement qu'on essaie de nous accompagner. D'abord, il faut sécuriser les lieux de la divagation des animaux. Quand tu arrives, tu vois ça, tu n'arrives même pas à dormir. Mais, on a la volonté. Et comme vous le savez, j'ai pris de l'âge maintenant, ce n'est pas comme avant où on était sollicité partout. En tout cas, on souhaite que l'administration essaie de nous accompagner dans la mesure du possible, et qu'on puisse entretenir les fourneaux et l’ensemble du site. Par ailleurs, il faut qu'on puisse faire venir d'autres communautés. Parce que, exceptionnellement, chaque édition, on essaie de faire venir une famille de forgerons. Et je prends l'exemple, à la dernière édition, nous avons fait venir les forgerons bissa. Ils ne maîtrisaient pas la technique. Mais quand ils ont réussi à faire le fourneau, on leur a montré la technique pour faire la démonstration. Et après, ils en ont fait eux-mêmes. On invite tous ceux qui connaissent des familles de forgerons et qui peuvent construire le fourneau de leur région, de leur commune ou de leur communauté. Ils sont vraiment les bienvenus. On n'a pas les moyens, mais on va prendre l'essentiel en charge pour qu'ils soient représentés sur ce site-là. Parce que ce n'est notre site à nous seulement, c'est pour le Burkina Faso et l'Afrique.

Cyr Payim Ouédraogo

Jean-Yves Nébié