
La Maison d’Arrêt et de Correction de Ouagadougou (MACO) a vibré, du 25 au 27 juin 2025, au rythme de la 4e édition des 72 heures des Commissions de l’Application des Peines (CAP) des tribunaux de grande instance de Ouaga I et II. Cette édition, placée sous le thème central « Mise en œuvre du travail d’intérêt général : enjeux, défis et perspectives », s’est voulue un véritable laboratoire de réflexion sur les alternatives à l’incarcération.
Tout au long des trois jours, les échanges ont permis d’approfondir les mécanismes d’humanisation de la justice, avec un accent mis sur le travail d’intérêt général (TIG), peine alternative conçue pour éviter les effets destructeurs de l’enfermement, notamment dans les cas d’infractions mineures. Plusieurs conférences thématiques ont jalonné l’événement, parmi lesquelles celle du 27 juin.
Un public diversifié pour une ultime conférence capitale
La conférence de clôture, tenue le vendredi 27 juin, a rassemblé un public composé d’élèves et d’élèves fonctionnaires de l’École nationale d’administration et de magistrature (ENAM), de personnels pénitentiaires, d’autorités judiciaires et administratives ainsi que, pour la grande majorité, de pensionnaires de la MACO. Animée par le juge d’application des peines (JAP) Lassané Guélbéogo et modérée par son collègue G. Dramane Souga, cette séance a mis en lumière le rôle et le fonctionnement des CAP.

Dans son mot d’ouverture, Vincent Konombo, inspecteur principal de sécurité pénitentiaire et directeur de la MACO, a salué la mobilisation des participants : « Nous avons l’honneur d’accueillir le Directeur régional de l’administration pénitentiaire du ressort de la cour d’appel de Ouagadougou, ainsi que le substitut du procureur. C’est un moment fort, car les deux juges responsables des CAP de Ouaga I et II sont avec nous pour expliquer le fonctionnement de ces commissions si importantes pour la réinsertion. », a-t-il déclaré.
Démystifier les CAP pour mieux en comprendre le rôle
Le juge Guélbéogo a structuré son intervention en plusieurs points : une introduction générale, la composition des CAP, leur fonctionnement, les défis qu’elles rencontrent, ainsi que les perspectives d’évolution. Il a pris soin de définir les concepts fondamentaux : prévenu, condamné, peine définitive, récidiviste ou encore délinquant primaire. Une pédagogie précieuse pour un public mêlant professionnels et détenus, soucieux de mieux comprendre le système qui les encadre.

Le magistrat a insisté sur la fonction des CAP, véritables instances de liaison entre le condamné et l’appareil judiciaire, chargées d’aménager les peines en prenant en compte des critères humains, sociaux et judiciaires. Elles sont souvent perçues à tort comme inaccessibles ou abstraites ; cette conférence a donc permis de rétablir une proximité entre institution et bénéficiaires.
Retour sur la réforme du TIG, une alternative porteuse d’espoir
En prélude à cette conférence, le 25 juin, le Substitut général Adama Ouédraogo avait exposé les grandes lignes de la réforme du TIG, introduit dans le droit burkinabè en 2004 et récemment renforcé par la loi n°035-2024/ALT du 8 novembre 2024. Le TIG, peine principale pouvant se substituer à une peine d’emprisonnement, consiste à effectuer un travail non rémunéré au profit d’une personne morale publique ou privée, ou d’un individu exerçant une activité d’intérêt général.

Applicable dans des cas précis, préjudice inférieur à 5 millions de FCFA, ITT de moins de 21 jours ou absence de risque de récidive, le TIG s’adresse aux prévenus à partir de 13 ans, présentant des garanties de représentation et ayant réparé le dommage causé ou pris un engagement en ce sens. La durée maximale d’exécution est de 24 mois.
Des défis à surmonter pour une mise en œuvre effective
Malgré les ambitions de la réforme, plusieurs défis subsistent : méconnaissance du dispositif par le public, confusion avec les travaux forcés, réticence de certaines structures d’accueil, insuffisance de moyens logistiques ou humains pour assurer le suivi des condamnés. Le rôle du juge d’application des peines est alors central, de même que celui des personnes garantes, dont la responsabilité peut être engagée.
La conférence du 27 juin a permis de rappeler que l’aménagement de la peine par le TIG est aussi du ressort des CAP, sur demande du condamné. Une équivalence a été fixée : un mois de TIG pour trois mois de détention. Il s’agit donc d’un levier puissant de désengorgement des prisons, d’autant plus précieux dans un contexte de surpopulation carcérale.
Un outil pour la réinsertion et la cohésion sociale
Les intervenants ont insisté sur la dimension sociale du TIG : il favorise la réinsertion socio-professionnelle, diminue le risque de récidive, et participe à la justice restaurative par la réparation du tort causé à la société. Pour les collectivités, il représente aussi une main-d’œuvre gratuite pour des activités utiles à l’amélioration du cadre de vie, à l’instar des travaux réalisés avec les équipes de TRHIMO.
Des recommandations fortes ont émergé : renforcer la sensibilisation du grand public, organiser régulièrement des cadres de concertation entre acteurs, mobiliser les partenaires techniques et financiers, et identifier des structures d’accueil solides. Il est également nécessaire d’harmoniser le TIG gratuit avec les initiatives rémunérées comme les TRHIMO.
En conclusion de cette 4e édition, tous les acteurs se sont accordés sur l’urgence d’appropriation du TIG par l’ensemble de la chaîne judiciaire. La conférence du 27 juin, en particulier, a permis de rappeler combien l’explication et la vulgarisation du fonctionnement des CAP étaient essentielles à la réussite du processus.
Comme l’ont résumé le juge Guélbéogo et son collègue G. Dramane Souga, « La compréhension des CAP par les condamnés est la première étape pour éviter les frustrations et faciliter l’accès à la réinsertion. »
C’est donc avec optimisme que se tourne la justice burkinabè vers l’avenir, avec l’espoir que les prochaines éditions des 72 heures des CAP permettront de consolider ces avancées au service d’une justice plus restaurative, plus humaine et plus efficace.
Abrandi Arthur Liliou