
Le 23 septembre 2025, à Azalaï Hôtel de Ouagadougou, l’Institut de l’environnement et de recherches agricoles (INERA) a présenté les résultats d’un projet mené depuis deux ans avec l’appui financier et technique de l’Alliance pour la révolution verte en Afrique (AGRA). Objectif : mettre au point et vulgariser de nouvelles formulations d’engrais, spécialement adaptées au riz et au maïs, pour accroître la productivité et renforcer la sécurité alimentaire du Burkina Faso.
Le Burkina Faso dispose désormais de formulations d’engrais spécialement adaptées au riz et au maïs. Après deux années d’expérimentation, l’Institut de l’environnement et de recherches agricoles (INERA), soutenu financièrement et techniquement par l’Alliance pour la révolution verte en Afrique (AGRA), annonce des résultats jugés « très satisfaisants ». Des hausses de rendement allant jusqu’à 30 % ont été observées, ouvrant de nouvelles perspectives pour l’« offensive agropastorale » engagée par le gouvernement.
Un atelier pour partager les résultats
C’est dans la salle de réunion de l’Azalaï Hôtel, à Ouagadougou, que chercheurs, représentants d’ONG, d’interprofessions, de projets et de programmes du ministère de l’Agriculture se sont réunis le 23 septembre pour la restitution officielle.

En ouverture, le Dr Alain Gomgnimbou, chef du département Gestion des ressources naturelles et systèmes de production à l’INERA, a salué « la présence effective de tous les acteurs », y voyant « la preuve de l’importance accordée à l’amélioration de la productivité agricole et à la recherche de solutions durables pour renforcer notre sécurité alimentaire ».

L’atelier, a-t-il indiqué, « se veut un cadre d’échanges et de partage » pour découvrir les résultats obtenus « grâce aux efforts conjoints de l’INERA, de l’AGRA et du réseau d’encadrement des producteurs ».
Un appui financier conséquent
L’AGRA a mobilisé environ 300 000 dollars pour ce projet. Abdoulaye Ouédraogo, chargé de projet et représentant le directeur pays de l’organisation, a déclaré que « l’AGRA accompagne de longue date les structures de recherche agricole, non seulement dans le développement des nouvelles formulations d’engrais, mais aussi dans leur diffusion auprès de toutes les catégories d’acteurs impliqués dans le développement de notre pays ».

Il a tenu à « féliciter l’INERA pour la gestion très rigoureuse des ressources », soulignant que cette discipline a permis « d’obtenir des résultats très probants ». L’AGRA, a-t-il rappelé, « soutient les différents gouvernements dans la mise en œuvre de leurs programmes stratégiques ».
Un enjeu stratégique pour le pays
La consommation de riz au Burkina Faso croît rapidement, mais les rendements stagnent, entraînant des importations annuelles estimées à 45 milliards de francs CFA. Le riz, culture stratégique, est au cœur de l’« offensive agropastorale et halieutique 2023-2025 ». Selon le ministère de l’Agriculture, une fertilisation adaptée pourrait inverser la tendance.

Représentant le secrétaire général du ministère, Kadidiatou Doro/Dao a présidé l’atelier. « Les formulations présentées aujourd’hui sont spécifiques au maïs et au riz. Elles permettront d’augmenter la productivité de ces deux cultures », a-t-elle indiqué. Elle a précisé que des « tests de démonstration » seront organisés afin que les producteurs puissent « adopter ces nouvelles formulations après avoir constaté leurs résultats ».
Le diagnostic des sols burkinabè
Le Dr Jean Ouédraogo, coordonnateur du projet AGRA, est revenu sur les fondements scientifiques de l’initiative. « Beaucoup de recherches sont menées depuis une dizaine d’années sur la fertilité des sols », a-t-il rappelé. Ces travaux ont mis en évidence deux nutriments limitants pour la production de riz et de maïs : le phosphore et l’azote.

« L’azote peut être apporté par l’urée, mais nous n’avions pas d’autres sources de phosphore », a-t-il souligné. Les nouvelles formulations augmentent donc la teneur en phosphore du NPK, « plus que n’importe quelle autre formulation disponible sur le marché ».
Des gains de rendement chiffrés
Après deux ans de vulgarisation sur le terrain, les chiffres parlent d’eux-mêmes. Sur le riz, la nouvelle formule permet une hausse de rendement de 10 à 12 % avec la même dose que le NPK 14-23-14 actuellement répandu.

Le maïs enregistre des résultats encore plus marqués : « Avec certaines variétés hybrides testées à la dose de 200 kg/ha, nous avons obtenu une augmentation de 30 % de rendement pour un investissement supplémentaire inférieur à 10 000 F CFA », a détaillé Dr Ouédraogo. Des performances qui justifient, selon lui, de « rassembler l’ensemble des acteurs pour contribuer à la vulgarisation et à l’utilisation de ces intrants, notamment dans le cadre de l’offensive agricole nationale ».
Une formulation à forte teneur en phosphore
Les études menées dans le cadre du projet Fertilizer Optimizer, financé par l’AGRA, ont montré que les teneurs en phosphore des engrais disponibles restaient trop faibles. La nouvelle formulation spécifique au riz contient donc 30 % de P₂O₅, réduisant le nombre de sacs nécessaires pour satisfaire les besoins des cultures.

En milieu paysan, l’utilisation de 100 kg/ha de cette nouvelle formule combinée à 100 kg/ha d’urée a permis d’atteindre un rendement de 2 709 kg/ha, soit une augmentation de 12 % par rapport aux pratiques habituelles.
Vers une adoption nationale
Pour le Dr Gomgnimbou, l’étape suivante sera d’intégrer ces engrais dans la commande institutionnelle et de promouvoir leur usage auprès des agroleaders et de la Société d’exploitation des phosphates du Burkina. « Ces résultats sont une contribution majeure à l’initiative présidentielle de production agricole et à l’offensive agropastorale », a-t-il affirmé.
Kadidiatou Doro/Dao a, de son côté, insisté sur « la nécessité de mécanismes de vulgarisation efficaces afin que les producteurs s’approprient rapidement ces innovations ». Des tests de démonstration seront organisés « pour prouver sur le terrain l’efficacité de ces formulations ».
Une avancée pour la souveraineté alimentaire
Au-delà des chiffres, ce projet illustre la convergence entre recherche scientifique et politique agricole. En renforçant la fertilité des sols et en améliorant la productivité du riz et du maïs, deux denrées essentielles à la sécurité alimentaire, il offre une réponse concrète à la dépendance aux importations.
L’AGRA et l’INERA entendent poursuivre leur collaboration pour élargir la diffusion des engrais, dans l’espoir que d’autres cultures stratégiques puissent bénéficier d’innovations similaires.
« Les résultats obtenus montrent qu’une fertilisation mieux ciblée est possible et rentable », a résumé Dr Ouédraogo. Pour le Burkina Faso, cette avancée pourrait marquer un tournant décisif vers une agriculture plus performante et durable.
Abrandi Arthur Liliou